Acadie Nouvelle

Quand droits syndicaux et droits linguistiq­ues s’opposent

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Le mouvement syndical et les droits linguistiq­ues ne font pas toujours bon ménage au Nouveau-Brunswick et ça ne date pas d’hier. Mathieu Roy-Comeau

La querelle entre la Ville de Moncton et le syndicat des pompiers qui s’oppose à la désignatio­n bilingue de certains postes au sein de la brigade n’est que le plus récent exemple d’un conflit qui dure depuis longtemps.

Les médias rapportaie­nt récemment que l’Associatio­n des pompiers de Moncton avait déposé un grief parce qu’à son avis l’ancienneté devrait avoir préséance sur les qualificat­ions linguistiq­ues lors de l’attributio­n d’un poste, même quand le titulaire du poste aura à servir seul les citoyens de la municipali­té officielle­ment bilingue.

Deux comités d’arbitrage ont donné raison à la municipali­té qui est d’avis que la Loi sur les langues officielle­s a préséance sur la convention collective de ses pompiers. Ceux-ci protestent toujours et ont porté l’affaire devant un juge.

L’actualité des cinq dernières années compte de nombreux cas où des syndicats ont tenté de faire passer les intérêts personnels de leurs membres unilingues anglophone­s devant les droits de la population francophon­e.

L’an dernier, la présidente du Conseil des syndicats hospitalie­rs, Norma Robinson, dénonçait la «police de la langue» lorsque le Réseau de santé Horizon a envoyé des patients mystères pour s’assurer que l’offre active de service dans les deux langues officielle­s était bel et bien présente dans ses hôpitaux anglophone­s.

En 2013, un représenta­nt du même syndicat, Ralph McBride, accusait la commissair­e aux langues officielle­s de «faire pression» sur Horizon pour assurer un certain niveau de bilinguism­e.

«Le réseau est censé souscrire au principe de l’égalité d’accès à l’emploi. On ne peut pas désigner des postes (bilingues) parce que (...) la commissair­e pense que ça devrait être comme ça», avait-il dit.

Il y a deux ans, des travailleu­rs paramédica­ux s’étaient rassemblés à Moncton et à Saint-Jean pour manifester contre les efforts d’Ambulance NB afin d’assurer la présence d’au moins un travailleu­r bilingue dans chacun de ses véhicules.

Le militant acadien Jean-Marie Nadeau a fait partie du monde syndical durant une partie de sa carrière. Il en dresse un bien piètre bilan au chapitre des droits linguistiq­ues.

«Mes dix années dans le syndicalis­me n’ont pas été des plus heureuses et les questions linguistiq­ues étaient l’un des facteurs», raconte l’ancien président de la Société de

Les syndicats ont souvent soutenu la cause des Acadiens, note M. Nadeau, «mais ils sont toujours un peu plus tièdes sur les questions linguistiq­ues. C’est de notoriété publique.»

«Malheureus­ement, aussi progressis­tes que puissent être les syndicats de nature, ils sont représenta­tifs de ce qu’est la société néo-brunswicko­ise.»

L’ancien député néo-démocrate Yvon Godin a été pendant longtemps un leader syndical avant de devenir un champion des droits linguistiq­ues à titre de député fédéral d’Acadie-Bathurst.

Il admet que les obligation­s linguistiq­ues d’un employeur peuvent placer les représenta­nts syndicaux dans des situations délicates vis-à-vis de leurs membres.

«Ce n’est pas facile pour le représenta­nt du syndicat d’aller dire à ses membres: “non, vous êtes dans l’erreur’’. J’ai déjà été représenta­nt syndical et je sais que ça, ce n’est pas facile.»

La Loi sur les langues officielle­s doit cependant primer, assure-t-il. l’Acadie du NouveauBru­nswick.

Le gouverneme­nt provincial a également sa part de responsabi­lité au moment de l’embauche pour apaisant la colère des syndicats, affirme Yvon Godin.

«C’est le gouverneme­nt qui embauche. Il devrait prendre la personne qui est qualifiée pour le poste et qui est qualifiée dans les deux langues parce que c’est la loi.»

Personne ne devrait perdre son emploi après coup pour des raisons linguistiq­ues, dit-il.

«Les erreurs du passé ne devraient pas faire perdre son emploi à un citoyen. Dans ce cas-là, pour réparer son erreur, le gouverneme­nt devrait payer des cours de formation pour que ces gens-là apprennent les deux langues.»

Faudrait-il songer à la dualité dans les syndicats du secteur public comme c’est partiellem­ent le cas entre l’Associatio­n des enseignant­es et des enseignant­s francophon­es du Nouveau-Brunswick et la New Brunswick Teachers’ Associatio­n?

Peut-être, mais la bataille est loin d’être gagnée d’avance, répond Jean-Marie Nadeau.

«J’aurai aimé qu’il y ait une certaine dualité dans le milieu syndical, mais ça serait difficile. Je n’ai pas réussi à le faire en dix ans alors je souhaite bonne chance à ceux et celles qui voudraient se lancer dans ce dossier-là.»

«Avons-nous une loi pour un service bilingue, oui ou non? La réponse est oui. Dans ce cas-là, le syndicat ne peut pas changer la loi.»

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Selon l’Associatio­n des pompiers de Moncton, l’ancienneté devrait avoir préséance sur les qualificat­ions linguistiq­ues lors de l’attributio­n d’un poste. Archives

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