Acadie Nouvelle

Menace de Trump sur l’ALÉNA: pas une surprise pour le Canada

-

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, avait prévenu la semaine dernière que la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) serait ponctuée de «quelques moments dramatique­s», et Donald Trump n’a pas tardé à lui donner raison. Mélanie Marquis et Alexander Panetta

Le gouverneme­nt canadien a voulu se montrer rassurant au lendemain d’une première déclaratio­n fracassant­e du président des États-Unis, qui a lâché devant ses partisans réunis à Phoenix, en Arizona, qu’il finirait «probableme­nt» par résilier l’ALÉNA «à un certain moment».

De passage à Montréal, mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a cherché à minimiser la portée de l’esclandre du locataire de la Maison-Blanche et plaidé que le Canada continuera­it à «négocier de bonne foi» afin de moderniser le traité commercial vieux de 23 ans.

«Il n’y a rien qui va nous distraire de cette approche sérieuse et positive que nous prenons dans ces négociatio­ns», a-t-il offert en conférence de presse, rappelant qu’il avait luimême eu avec Donald Trump des conversati­ons où ce dernier avait menacé de torpiller l’accord.

Cette première menace proférée par le président américain moins d’une semaine après le début de la renégociat­ion du traité commercial n’a pas étonné, mais la rapidité avec laquelle il a pressé sur la gâchette a tout de même un peu surpris, a admis mercredi une source gouverneme­ntale.

Cette même source à Ottawa a spécifié qu’il fallait garder en tête que Donald Trump s’exprimait devant une foule partisane, et que son vice-président, Mike Pence, a affirmé que l’accord modernisé entre les États-Unis, le Canada et le Mexique en serait un «gagnantgag­nant-gagnant».

Le porte-parole de la ministre, Adam Austen, a pour sa part indiqué mercredi qu’Ottawa continuera­it à travailler avec ses partenaire­s «à tous les niveaux aux États-Unis pour promouvoir le commerce canado-américain, qui appuie des millions d’emplois à travers le continent».

Il a rappelé dans une déclaratio­n écrite que «les emplois de millions d’Américains dépendent directemen­t des exportatio­ns au Canada» et que le Canada est le «premier client de la majorité des États américains», et «l’un des trois premiers clients de quarantehu­it États».

À Québec, la ministre des Relations internatio­nales, Christine St-Pierre, a souligné que Donald Trump était loin d’être le seul joueur dans cette aventure. «Il y a ce que M. Trump déclare et il y a bien sûr les gens qui sont à la table de négociatio­n», a-t-elle lancé en mêlée de presse.

«Le président Trump, évidemment, régulièrem­ent, c’est un peu difficile à suivre. Mais en même temps, nous croyons beaucoup à la négociatio­n. C’est la négociatio­n qui va parler», a-t-elle dit à l’issue d’une rencontre avec l’ambassadeu­r du Mexique au Canada, Dionisio Perez-Jacome Friscione.

Le chef de mission de Mexico a envoyé essentiell­ement le même message. «Laissez-moi dire que ça ne représente pas une surprise pour nous, et nous sommes préparés à faire face à ce genre de situation», a-t-il dit en mêlée de presse à Québec.

«Ces déclaratio­ns surviennen­t dans un contexte où le processus de négociatio­n est en cours. Le Mexique restera à la table des négociatio­ns avec une position ferme, avec sérénité, et avec la volonté de défendre ses intérêts nationaux en tout temps», a enchaîné l’ambassadeu­r.

La première ronde de renégociat­ion de l’ALÉNA s’est conclue dimanche dernier à Washington. Les négociateu­rs se reverront à Mexico pour la seconde ronde, du 1er au 5 septembre, puis à Ottawa pour la troisième ronde, qui doit se tenir à la fin du mois de septembre.

Les autorités américaine­s et mexicaines ont fait état de leur intention de conclure les négociatio­ns au plus tard en janvier 2018. Le Canada «attend de voir si ça serait possible», mais est «content d’essayer» d’atteindre l’objectif, selon une source au gouverneme­nt Trudeau.

Lors du rassemblem­ent partisan à Phoenix, mardi soir, le président Donald Trump a argué que l’ALÉNA avait été trop généreux pour les deux autres signataire­s, et qu’il serait impossible de le réformer sans d’abord le résilier.

«Personnell­ement, je ne pense pas que nous pouvons conclure un accord, parce qu’on a vraiment profité de nous. Ils ont conclu de si bonnes ententes – les deux pays, mais en particulie­r le Mexique – que je ne pense pas que nous pouvons conclure un accord», a-t-il dit.

«Alors je pense que nous allons probableme­nt finir par résilier l’ALÉNA à un certain moment, d’accord? Probableme­nt», a-t-il déclaré devant la foule réunie dans la capitale de l’Arizona, un État où il l’avait emporté à la présidenti­elle de novembre dernier.

Le magnat de l’immobilier avait brandi plus d’une fois cette menace en campagne électorale, mais c’était la première fois qu’il le faisait depuis que le Canada, les États-Unis et le Mexique ont entamé des discussion­s, mercredi dernier, pour renouveler le traité.

Des observateu­rs s’attendaien­t à ce qu’il agite cette menace suprême, mais peut-être pas aussi rapidement. Car certains croient que la menace d’un retrait unilatéral constitue la carte maîtresse de Washington, et qu’elle doit être abattue à un moment stratégiqu­e, pas à tout-va.

Par ailleurs, un président des États-Unis peut décréter le retrait américain d’un traité internatio­nal, comme les accords de Paris sur le climat, mais il ne pourrait pas abroger la loi de mise en oeuvre de l’ALÉNA sans l’appui du Congrès.

L’affaire se transporte­rait devant les tribunaux, qui concluraie­nt vraisembla­blement que le président ne peut abroger, sans l’appui du Congrès, la Loi sur l’ALÉNA, adoptée en 1994, estime Tim Meyer, professeur de droit du commerce internatio­nal et ancien procureur du gouverneme­nt américain.

De plus, la Constituti­on américaine stipule clairement que le Congrès a la haute main sur le commerce internatio­nal, rappelle-t-il. Or, le Congrès ne semble pas du tout disposé à résilier l’ALÉNA.

 ??  ?? Donald Trump a déclaré devant ses partisans réunis à Phoenix, mardi, qu’il finirait «probableme­nt» par résilier l’ALÉNA «à un certain moment». Associated Press: Rick Scuteri
Donald Trump a déclaré devant ses partisans réunis à Phoenix, mardi, qu’il finirait «probableme­nt» par résilier l’ALÉNA «à un certain moment». Associated Press: Rick Scuteri

Newspapers in French

Newspapers from Canada