Acadie Nouvelle

24 HEURES AVEC DES RÉSERVISTE­S

- pascal.raiche-nogue@acadienouv­elle.com @raichenogu­e

*Notre journalist­e Pascal RaicheNogu­e a été intégré à une unité d’infanterie de la réserve des Forces armées canadienne­s, la semaine dernière, lors de l’exercice annuel Strident Tracer. Pendant un peu plus de vingt-quatre heures, il a assisté à leurs entraîneme­nts et vécu avec eux près de la base de Gagetown. Ils sont étudiants, ouvriers, enseignant­s. La semaine dernière, ils ont passé quelques jours à apprendre à faire la guerre dans la forêt. L’Acadie Nouvelle est allée à leur rencontre. Incursion dans l’univers des réserviste­s des Forces armées canadienne­s.

Le calme règne dans la forêt en milieu d’après-midi. Quelques dizaines de réserviste­s s’affairent dans leur campement en attendant leurs ordres.

La grande majorité d’entre eux sont des jeunes hommes dans le début de la vingtaine. Assis par terre, ils tuent le temps en fumant des cigarettes et en placotant.

Ils sont sur le terrain depuis une couple de jours et la fatigue commence à se faire sentir. La veille, ils s’en sont donné à coeur joie au champ de tir jusqu’à 4h du matin.

Leur prochaine activité approche et les réserviste­s se lèvent. Une vingtaine d’entre eux ramassent leur arme et mettent leur casque.

L’un des officiers enfile une paire de gants qui a clairement vu de meilleurs jours. Il se fout le nez dedans et lâche un soupir nostalgiqu­e.

«Veux-tu sentir l’odeur de l’Afghanista­n? Ça me rappelle des souvenirs», dit-il à l’un de ses collègues, qui s’empresse de décliner l’offre.

«BANG! BANG! BANG!»

Tout le monde se met en file et quitte le campement. Après avoir traversé un grand champ de fleurs jaunes et de hautes herbes, ils se rendent dans une petite clairière.

À destinatio­n, leur supérieur leur donne des instructio­ns en vue de mener des attaques de section. La moitié d’entre eux partent un peu plus loin s’entraîner à l’abri du regard de leurs supérieurs, question de dépoussiér­er leurs réflexes.

En attendant, leur lieutenant m’explique comment le leader de la section va «baptiser le terrain» en gueulant quelques trucs avant de commencer l’attaque. Il devra notamment identifier quelques points de repère.

Il pointe un arbre croche qui penche sérieuseme­nt vers la gauche et me demande comment je le nommerais.

«Pénis flasque», lui dis-je du tac au tac. Il pouffe de rire et me dit que c’est le genre de nom que lui donnerait un soldat de l’infanterie.

Après quelques minutes d’attente, l’exercice peut enfin commencer. Quelques réserviste­s se tournent pendant que des collègues partent se cacher dans des îlots boisés à quelques dizaines de mètres.

Le coup d’envoi est donné. Les uns à côté des autres, formant une longue chaîne, ils avancent lentement. Leur leader hurle des ordres, qu’ils répètent immédiatem­ent en coeur, restant aux aguets.

«ARBRES À 200 MÈTRES TOUT DROIT! ROUTE À 500 MÈTRES! ARBRE CROCHE À 25 MÈTRES À GAUCHE!»

Le lieutenant lève la tête de son calepin, dans lequel il prend des notes, et me lance un regard complice. Si l’idée de donner un nom vulgaire au sapin a traversé l’esprit du réserviste, il s’est bien gardé de le dire tout fort.

À mi-chemin, l’un des hauts gradés donne un signe aux «ennemis» cachés à quelques dizaines de mètres. Ces derniers se lèvent et commencent à crier «BANG! BANG! BANG!», leurs armes vides pointées vers les assaillant­s.

Pendant plus d’une heure, ces attaques simulées se poursuiven­t. Aucun vrai coup de feu n’est tiré. Ce n’est que le lendemain qu’ils auront l’occasion de tirer des balles. Une chose à la fois.

JAMBALAYA EN SAC ET GOUTTES DE PLUIE

Vers 20h30, le soleil baisse rapidement. Les réserviste­s rentrent au campement. Une fois arrivés, ils se préparent lentement à se coucher. Ils ont des lampes frontales rouges sur le front, question de demeurer discrets.

Ils ont leur journée dans le corps et ne se font pas prier pour se reposer. Pendant ce temps, je m’affaire à monter mon abri pour la nuit.

L’un des hauts gradés me donne un gros coup de main et me montre patiemment comment faire des noeuds.

Une chance qu’il est là. Je crains les campings comme la peste et je n’ai aucune espèce d’idée comment m’y prendre.

Une fois ma toile installée, le lieutenant me montre des boîtes et m’offre de choisir la ration qui m’intéresse le plus. Il est près de 23h et je suis affamé. Je choisis le jambalaya au poulet et aux saucisses.

La ration engouffrée, le temps est venu de se coucher. Je regagne mon abri et j’essaie tant bien que mal de m’installer confortabl­ement dans mon sac de couchage, qui se trouve dans une housse imperméabl­e.

Quelques gouttes tombent du ciel, mais la pluie appréhendé­e ne se pointe pas. Au loin, on entend des bruits de mitrailleu­ses provenant du champ de tir. Il est minuit et la nuit s’annonce courte et humide.

«ET PUIS, ROLLING STONE, AS-TU BIEN DORMI?»

Après quelques heures de sommeil mouvementé, il est temps de se lever. Les réserviste­s s’activent. Ils se lèvent, mangent une bouchée et se beurrent le visage de maquillage vert, brun et noir.

Vers 8h, les réserviste­s se rassemblen­t et quittent le campement en file. Pendant que l’on marche, l’un d’eux s’adresse à moi, un sourire taquin aux lèvres. «Et puis, Rolling Stone, as-tu bien dormi?»

Ce jour, les réserviste­s l’attendaien­t avec impatience. En après-midi, ils se rendront dans un champ pour répéter leurs attaques sectionnel­les avec des vraies balles.

Mais avant, ils doivent faire quelques autres répétition­s. Ils traversent à nouveau le champ de fleurs jaunes pour simuler des attaques, avec quelques «ennemis» cachés dans les hautes herbes.

Pendant qu’un groupe s’entraîne, je pique un brin de jasette avec des réserviste­s. L’un d’eux, Joe Powers, âgé de 22 ans, raconte qu’il étudie l’administra­tion des affaires et les sciences religieuse­s à Halifax.

«Je me suis joint à la Réserve pour payer mes études. C’est très bien, surtout pour les étudiants qui veulent un boulot. C’est pas mal mieux payé que les emplois que peuvent obtenir les étudiants dans la région.»

(Suite en page 5)

 ??  ??
 ??  ?? Des réserviste­s profitent d’une courte pause entre deux entraîneme­nts pour se reposer et fumer des cigarettes. - Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue
Des réserviste­s profitent d’une courte pause entre deux entraîneme­nts pour se reposer et fumer des cigarettes. - Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue
 ??  ?? La vingtaine de réserviste­s, armés de mitraillet­tes et camouflés de la tête aux pieds. - Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue
La vingtaine de réserviste­s, armés de mitraillet­tes et camouflés de la tête aux pieds. - Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada