Le terrorisme: un sens de la mesure
En mars, à Londres: cinq morts. En avril, à Stockholm: cinq morts. En mai, à Manchester: 22 morts. En juin, encore une fois à Londres, cette fois-ci sur le pont de Londres: huit morts. En août, à Barcelone: quatorze morts. Au cours des six derniers mois,
Bien sûr que non. Il n’existe aucun endroit sécuritaire. Une personne peut mourir de la main d’un non-terroriste au volant, en tombant dans l’escalier ou même en se noyant dans le bain. En fait, on est beaucoup plus susceptible de mourir d’une de ces façons que de mourir dans un attentat terroriste. La différence? Dans ces premiers cas, l’histoire n’est pas diffusée dans les nouvelles.
La seule région du monde où le terrorisme islamiste est véritablement une grave menace est dans l’ensemble du MoyenOrient (y compris le Pakistan). Une sorte de guerre civile est en cours entre les modernisateurs et les conservateurs culturels dans de nombreux pays majoritairement musulmans, et la menace terroriste pour le citoyen moyen y est dix ou vingt fois plus grave qu’en Occident. Mais, même là-bas, elle n’est pas aussi sérieuse que l’on nous fait croire.
Les humains ont une tendance naturelle à être fascinés par la violence. Cette «menace terroriste» a alors l’air bien réelle en Occident. Les médias de masse connaissent leur audience et cherchent à satisfaire à ce goût. C’est pour cette raison que des milliers de personnages fictifs meurent violemment à la télévision et dans des films toutes les semaines.
La violence dans la vraie vie est encore plus intéressante - surtout s’il existe même une mince possibilité que le spectateur puisse être touché. Alors, par instinct, les médias exagèrent la menace, et ceux qui ne comprennent pas les statistiques (c’est-àdire la quasi-totalité de la population) commencent à voir le terrorisme comme une très grosse affaire.
C’est inévitable, à moins que l’on impose des restrictions officielles aux reportages des médias, et cela n’en vaudrait pas la peine. Il faudra alors accepter le battage médiatique. Il faudra également accepter le terrorisme comme tel, bien que l’on considère généralement comme suicide politique d’exprimer cette opinion publiquement.
Après tout, on ne manquera certainement pas de terroristes extrémistes dans un avenir rapproché et les services de sécurité ne peuvent empêcher les terroristes aspirants de mettre la main sur un camion ou une fourgonnette (ou un couteau). On peut alors probablement s’attendre à de nombreux autres attentats terroristes par des moyens rudimentaires dans les dix prochaines années.
Mais pas de panique. Depuis le début de l’année, seules 62 personnes dans l’entièreté de l’Union européenne sont mortes dans une attaque terroriste, c’est-à-dire une personne sur huit millions. La proportion est encore moins élevée aux ÉtatsUnis: onze morts dans quatre attentats terroristes depuis le début de l’année. Quatre fois plus d’Américains sont tués chaque jour pour des raisons non terroristes.
Alors, la meilleure réponse au terrorisme par des moyens rudimentaires dans les pays occidentaux est de garder son calme et de continuer à vivre sa vie, même si on sait que les attentats ne cesseront probablement pas avant que la génération actuelle de djihadistes ne disparaisse. (Les nouvelles générations mettent souvent fin aux tendances idéologiques.)
Entretemps, la priorité n’est pas de tourner le dos aux communautés musulmanes en Occident. Dans un premier temps, le blâme pour les actions de quelques centaines de jeunes hommes naïfs cherchant à attirer l’attention ne peut être jeté sur des millions de personnes. Dans un deuxième temps, c’est exactement ce à quoi les propagandistes de Daech s’attendent de la population occidentale.
Il y a dix ou quinze ans, les islamistes terroristes avaient un objectif stratégique précis en lançant des attaques contre l’Occident: inciter celle-ci à envahir les pays musulmans, radicalisant ainsi les populations locales pour qu’elles se jettent dans les bras des révolutionnaires islamistes. Le but ultime de ces révolutionnaires? Accéder au pouvoir dans leur propre pays, non pas «mettre l’Occident à genoux» ou de telles bêtises.
Le tour est joué: les islamistes ne peuvent plus espérer duper l’Occident pour que celle-ci organise d’autres invasions majeures. Pourquoi alors continuer d’encourager des attentats terroristes en Occident?
Parce que ça ne coûte quasiment rien, ça fait la promotion de la marque et, avec un peu de chance, ça cause d’énormes conflits internes dans des pays occidentaux où vivent des populations importantes de musulmans. Jusqu’à maintenant, les communautés majoritaires et les minorités musulmanes ont l’énorme mérite d’avoir empêché que cela ne se produise.