Acadie Nouvelle

Des Haïtiens craintifs, mais plein d’espoir, marchent vers le Canada

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La vie de la famille François a changé du tout au tout en juillet lorsque la mère, Sheila François, a appris que son permis de travail aux États-Unis n’était pas renouvelé. La Presse canadienne

Mme François vivait depuis cinq ans à Fort Lauderdale, en Floride, où elle travaillai­t et payait ses impôts pour soutenir ses trois adolescent­s. Quand elle et son mari, Frank, ont reçu la lettre qui annonçait la nouvelle sans expliquer les raisons, ils savaient que leur vie aux États-Unis était finie.

«Si tu as le statut et que l’immigratio­n y met fin, tu penses à une chose: la déportatio­n», a confié Frank François.

«Au moment où nous avons vu cela arriver, alors que nous regardions les nouvelles, nous avons vu que le Canada acceptait des gens. Nous nous sommes dit: «Aussi bien tenter notre chance».»

La famille François fait partie des quelque 7000 demandeurs d’asile - la plupart d’origine haïtienne - qui ont afflué à la frontière entre le Québec et l’État de New York depuis le mois de juillet, alors que l’administra­tion Trump a annoncé qu’elle pourrait mettre fin au statut de protection temporaire de milliers d’Haïtiens accordé dans la foulée du tremblemen­t de terre de 2010.

«J’ai décidé de venir au Canada parce que la politique de migration aux États-Unis a changé. J’avais peur, je suis venu ici pour continuer ma vie», a affirmé Justin Remy Napoleon, âgé de 39 ans.

Comme Frank François, M. Napoleon redoutait la déportatio­n, alors il a quitté sa ville d’adoption, San Diego, s’est rendu sur la côte est et a pris un autocar pour aller vers la frontière du Nord. Ce n’était pas la première fois qu’il a décidé de refaire sa vie ailleurs: il a quitté Haïti en 2006 pour aller en République dominicain­e, puis au Brésil par la suite.

M. Napoleon dit avoir rêvé au Canada lorsqu’il habitait en Haïti. Quand il est arrivé à la frontière, il croyait «entrer au paradis».

Frank François ne veut pas se faire photograph­ier, mais il dit être heureux de raconter ses nombreux déplacemen­ts. Il a grandi sur une ferme à Port-de-Paix, en Haïti et avait pour ambition de devenir médecin. Puisque sa famille ne pouvait pas lui payer ses études, il a mis le cap sur les Bahamas en 1997.

Il a finalement commencé à travailler làbas dans le secteur de la constructi­on et envoyait de l’argent à sa famille.

M. François a élevé sa propre famille aux Bahamas - c’est là que ses trois enfants sont nés. Sa famille a passé plus d’une dizaine d’années là-bas avant qu’il reçoive une mauvaise nouvelle par la poste: le gouverneme­nt l’a informé que toute personne présente comme visiteur depuis plus de dix ans serait expulsée.

Sa famille s’est établie à Fort Lauderdale, près de Miami, où Sheila avait des proches. Elle est allée en premier avec ses trois enfants, a obtenu des visas et un permis de travail. Frank a rejoint ses proches en 2012.

Il est resté quand son visa est venu à expiration et a travaillé au noir dans le secteur de la constructi­on, mais ce n’était pas facile, dit-il. «C’est difficile quand tu n’as pas de statut légal de survivre et de travailler pour ta famille.»

Les enfants sont allés à l’école, se sont fait des amis, et la famille avait fait sa vie là-bas. Maintenant âgés de 13, 14 et 15 ans, les enfants de la famille François sont bien au courant de ce qui se passe aux États-Unis.

«Tous les jours, ils disaient: «Papa, chaque fois qu’on regarde les nouvelles, nous ne voyons aucune politique du président qui est favorable à nous». Ils avaient peur d’être déportés de nouveau», a relaté M. François.

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Justin Remy Napoleon canadienne - La Presse

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