Acadie Nouvelle

«Je refusais de montrer mon corps»

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En psychologi­e, la peur d’une dysmorphie corporelle (PDC) est grosso modo une obsession maladive concernant un défaut de l’apparence physique. Pour certaines personnes, le défaut peut être imaginaire. Ça peut même atteindre la démesure chez les personnes présentant une légère différence physique. Éric Doucet a développé cette psychose à l’adolescenc­e dans son Campbellto­n natal. Il n’aimait pas son corps. À vrai dire, il détestait à s’en confesser l’image que lui renvoyait son miroir. «À l’âge de 19 ans, je mesurais 6 pieds 2 pouces et je ne pesais que 140 livres, raconte-t-il. Je ne suis pas né avec une grande génétique et je me trouvais beaucoup trop maigre. Et comme j’avais aussi une brûlure sur la poitrine, ça empirait mon manque de confiance. C’était au point que j’enlevais très rarement mon t-shirt devant des gens.» «À l’adolescenc­e, j’en ai passé des nuits blanches à ne penser qu’à ça, continue-t-il. Je n’ai jamais eu de pensées suicidaire­s, mais j’ai eu plusieurs grosses déprimes. J’ai travaillé fort tant physiqueme­nt que mentalemen­t pour gagner de la confiance. J’ai commencé à aller au gymnase à l’âge de 21 ans. L’entraîneme­nt et le sport m’ont sauvé la vie.» Éric Doucet soutient qu’il y a beaucoup plus de gens qu’on peut s’imaginer à souffrir de la PDC. Ainsi, plusieurs culturiste­s ont grandi avec cette souffrance psychologi­que. «Plusieurs culturiste­s ont le même problème que moi. J’en connais même qui tombent dans la déprime totale juste parce qu’ils ont perdu cinq livres. Plusieurs vont prendre des stéroïdes pour améliorer leur confiance. Le problème, c’est que ce n’est pas une bonne confiance. C’est comme s’ils mettaient un masque sur leur corps. Ça ne règle absolument rien. Tu as beau t’entraîner et devenir de plus en plus musclé, tu n’es jamais satisfait», explique Doucet, qui ajoute que les femmes venant d’accoucher développen­t elles aussi souvent une PDC. Éric Doucet avait si peu confiance en lui qu’il n’a jamais été en mesure d’accepter des compliment­s. Il s’en méfie d’ailleurs comme la peste. «J’ai peur de finir par croire que je suis guéri. Malheureus­ement, ce n’est jamais terminé. C’est une maladie très difficile à comprendre. Par exemple, bien que je sois actuelleme­nt très content de moi-même, il m’arrive encore d’avoir des journées où je me trouve dégueulass­e en me regardant devant le miroir», dit-il. Lors de ses premières années dans la lutte, Éric Doucet adoptera un look qui n’est pas sans rappeler celui de Kevin Owens, un Québécois que les gens peuvent voir chaque semaine au petit écran à la WWE. «Je portais des culottes et un t-shirt parce que je refusais de montrer mon corps. Pourtant, quand je suis monté pour la première fois sur le ring, je pesais 180 livres. J’avais donc déjà pris une quarantain­e de livres, mais ce n’était pas assez. Ce n’est qu’après avoir atteint la trentaine que j’ai eu assez confiance en moi pour me présenter devant le public habillé comme un lutteur classique, c’est-à-dire en maillot et torse nu. Ça s’est fait par étape», explique-t-il. Éric Doucet dit n’avoir jamais consulté. Il l’a fait par choix. «Je crois que ça dépend des gens. Moi, je suis quelqu’un de très réservé dans la vie. Ça vient de mon enfance alors que je me suis souvent senti très seul. C’est le sport et l’entraîneme­nt qui m’ont permis de gagner de la confiance», ajoute-t-il. - RL

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