LÉPREUX: TRACADIE SE SOUVIENT
«Ils n’avaient pas de soins. Il faisait froid, ils habitaient dans un lazaret presque en ruine»
L’histoire n’est pas très connue, mais 15 lépreux, principalement des Acadiens, sont morts sur l’île Sheldrake au milieu du 19e siècle. Les conditions pitoyables dans lesquelles ils vivaient ont eu raison d’eux. Un projet artistique à Tracadie fera revivre leur mémoire.
Le petit Barnabé Savoie est mort sur l’île Sheldrake, située près de l’embouchure de la rivière Miramichi. Il était âgé de 8 ans.
Atteint de la lèpre et condamné à l’exil avec sa mère et ses frères, il n’a pas survécu aux conditions de l’île.
Il est le plus jeune d’une liste de 15 autres personnes mortes sur l’île de 1844 à 1849.
«La lèpre ne tue pas nécessairement, tu peux vivre très vieux avec la lèpre. Mais ils étaient dans un endroit tellement isolé...», raconte Paulette Robichaud, présidente du comité Commémoration Sheldrake.
«Ils n’avaient pas de soins. Il faisait froid, ils habitaient dans un lazaret presque en ruine. C’était une vieille cabane. Ils ont été malades, ils ont eu toutes sortes de maladies», poursuitelle.
Pour protéger la population d’une épidémie de lèpre, le gouvernement a forcé 32 personnes le long de la côte, entre Miramichi et Caraquet, à s’exiler sur l’île. Leur destin est souvent tragique. «On raconte que le petit Barnabé s’est sauvé avec son frère. On l’a rattrapé et pour ne pas qu’il se sauve de nouveau, on ne lui donnait presque pas à manger. On l’attachait sur son lit. Et puis finalement, il est mort. Sa mère est morte avant lui», raconte Paulette Robichaud.
Le garçon et sa mère sont enterrés sur l’île, sans pierres tombales.
Quatorze survivants ont été transférés dans un lazaret à Tracadie, en 1849.
UNE OEUVRE POUR SE RAPPELER
Paulette Robichaud est ce ceux qui ont mis sur pied le comité Commémoration Sheldrake en 2014.
Dimanche, elle était présente au dévoilement d’un projet d’art à Tracadie visant à honorer la mémoire des lépreux de l’île.
L’ambiance était solennelle dans la salle du conseil municipal.
Les gens présents se sont rappelé les morts et les condamnés à l’exil.
À l’avant, une femme a récité les noms des quinze morts sur un fond de musique douce. Des Robichaud, des Savoie sont décédés sur l’île.
Sur la musique d’Ave Maria, le public et les dignitaires sont ensuite sortis à l’extérieur pour visiter l’installation. Le projet d’art est signé Marika Drolet-Ferguson.
La femme originaire de la Péninsule acadienne a posé 15 photographies de l’île sur des socles en métal, derrière l’hôtel de ville. Les gens peuvent se promener entre les socles.
«On a un peu l’impression que c’est un cimetière. C’est l’émotion que je voulais que les visiteurs ressentent. Qu’on ait cette idée de silence et de respect pour commémorer», explique l’artiste.
Marika Drolet-Ferguson a pris des photographies le long des berges de l’île. Elle a marché sur la glace à partir de Bartibog pour s’y rendre, au début du printemps. Les photographies mettent en scène la nature, comme des branches, des bouts de bois et de l’herbe.
«Il y a un certain sentiment d’isolement que je cherchais à transmettre», explique l’artiste.