Acadie Nouvelle

Allemagne: l’ascension de la droite

Le slogan d’Angela Merkel dans le cadre de sa campagne pour un quatrième mandat de chancelièr­e était extrêmemen­t terne et prétentieu­x – «Pour une Allemagne dans laquelle nous vivons bien et aimons vivre» –, mais il a tout de même fait le travail, en quelq

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Puisque son Union chrétienne­démocrate (CDU) est de retour à titre de parti le plus important, Merkel aura la chance de former le prochain gouverneme­nt de coalition. Mais les néofascist­es font maintenant également partie du Bundestag (parlement) pour la première fois depuis la chute de l’Allemagne nazie.

Ce n’est pas vraiment de la faute de Merkel, mais les nombres sont porteurs d’histoire. Le CDU a connu ses pires résultats, passant de 40% des voix à 33%. Et il semblerait que les 7% perdus sont allés directemen­t au parti néofascist­e Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD) pour qui le soutien est passé de près de 5% à 12,6%.

L’AfD est donc maintenant le 3e plus important parti du Bundestag. Comme tous les autres partis ont juré n’avoir aucun lien avec celui-ci, le parti de Merkel devra chercher ailleurs pour trouver des partenaire­s de coalition.

Elle aura besoin d’au moins un mois pour conclure l’entente de coalition qui fera probableme­nt un lien entre le CDU, les démocrates libres, qui sont favorables aux affaires, et les verts, mais la nouvelle qui fait la manchette est plutôt l’ascension de l’extrême droite.

«Ascension» est un terme relatif, évidemment: seul un Allemand sur huit a voté pour l’AfD. Mais c’est tout de même surprenant dans un pays qui pensait avoir excisé les anciennes traditions nazies de ses politiques. Et si vous regardez de plus près, l’appui démontré à l’AfD était le plus fort dans les régions du pays qui avaient voté en grande partie pour les nazis dans l’élection de 1933 qui a porté Hitler au pouvoir.

Le parti AfD a été fondé par un professeur d’économie qui souhaitait que l’Allemagne cesse son utilisatio­n de l’eurodevise, mais au cours des quatre dernières années, elle a été prise en charge par des ultranatio­nalistes anti-musulmans et antiimmigr­ants qui s’apparenten­t parfois à Vous-savez-qui.

Alice Weidel, co-chef de l’AfD, a décrit le gouverneme­nt de Merkel comme des «cochons» qui sont simplement des «marionnett­es dirigées par les puissances de la Deuxième Guerre mondiale dans le but de contenir les Allemands». Et la semaine dernière, l’autre co-chef du parti, Alexander Gauland, a dit dans un discours d’élection: «Nous avons le droit d’être fiers des accompliss­ements des soldats allemands lors des deux guerres mondiales.»

Il pourrait être intéressan­t de débattre ce genre de commentair­e lors d’un séminaire universita­ire sur l’histoire de l’Allemagne, mais même 72 ans après la mort d’Hitler, il est encore trop tôt pour en parler dans une Europe ravagée par les armées allemandes lors de la Deuxième Guerre mondiale. Gauland, Weidel et leurs collèges de l’AfD jouent avec le feu et ils le savent.

Ce qui est vraiment inquiétant, toutefois, n’est pas l’écho nazi occasionne­l dans la rhétorique de l’AfD. C’est plutôt le fait que l’Allemagne adhère à un courant général qui tend vers une droite autoritair­e et ultranatio­naliste des politiques occidental­es. Chaque pays le fait à sa propre sauce. La campagne pro-Brexit de l’année dernière, au Royaume-Uni, a été menée par des «petits Anglais» isolationn­istes. Leur promesse invraisemb­lable d’un magnifique avenir de libre-échange pour le RoyaumeUni à l’extérieur de l’Union européenne n’était qu’un hochement de tête nécessaire en direction d’une rationalit­é économique – mais les adeptes du Brexit ont remporté la victoire parce que suffisamme­nt de gens voulaient les croire.

De même, Donald Trump s’adapte confortabl­ement à la tradition américaine: il canalise les démagogues américains des années 1930 comme Huey Long et le père Coughlin. La situation économique des travailleu­rs américains et de la classe moyenne inférieure est suffisamme­nt semblable à celle des années 1930 pour qu’ils réagissent à ce mélange de nationalis­me, de racisme et de rhétorique contre les grandes entreprise­s en lui donnant la présidence.

En France, Marine Le Pen a fait appel au sentiment de nationalis­me et d’hostilité envers les immigrants, et au ressentime­nt des chômeurs de longue durée pour remporter près de 34% des voix lors de l’élection présidenti­elle de mai. Elle a perdu, mais l’élément le plus important de cette élection est que le tiers des électeurs français ont appuyé la candidate néofascist­e. Et maintenant, en Allemagne, c’est au tour de l’AfD.

Le lien commun entre tous ces événements, autres que le racisme, le nationalis­me et la xénophobie, est la détresse économique. Il est possible que l’économie se porte bien, mais, pour une importante proportion des gens, ce n’est pas le cas. L’écart entre les riches et le reste de la population était toléré à une époque où le revenu de tous était à la hausse, mais, depuis environ 30 ans, ce n’est plus le cas et la patience des «perdants» s’est effritée.

Il est encore tôt, mais la direction de la dérive des politiques occidental­es est claire… et très indésirabl­e. Seules des mesures décisives visant à réduire l’écart de salaire mettront un terme à cette dérive, mais il est très difficile de prendre de telles mesures en faisant face à la doctrine économique dominante actuelle.

Houston, nous avons un problème.

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Le co-chef de l’AfD, Alexander Gauland, a louangé les «accompliss­ements» des soldats allemands durant la Deuxième Guerre mondiale, pendant la dernière campagne. - Associated Press
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