Acadie Nouvelle

DIX FOIS PLUS DE JEUNES OBÈSES

Chaque jour, nous sommes inondés de statistiqu­es de toutes sortes. La plupart du temps, elles nous passent mille pieds par-dessus la tête. Mais celle-ci nous concerne tous: il y a 10 fois plus de jeunes et d’adolescent­s obèses qu’il y a 40 ans sur la plan

- Réal Fradette real.fradette@acadienouv­elle.com

Le surplus pondéral de plusieurs de nos jeunes a de quoi inquiéter. Déjà, nous en voyons certains effets néfastes chez nos population­s locales. Un jeune sur quatre en est atteint. C’est énorme. Le diabète juvénile est en forte hausse. Les risques de maladies cardiovasc­ulaires ont monté en flèche. Les jeunes d’aujourd’hui ont une espérance de vie inférieure à leurs parents. C’est tout dire.

Le pire est que nous avons laissé faire cela, peut-être parce que nous tenions pour acquis que nos enfants seraient toujours actifs, comme nous l’avions été avant eux. Le temps a démontré que nous avons eu tort.

Avons-nous perdu ce match? Si c’est le cas, il y a de quoi rentrer au vestiaire la tête basse.

Alors que l’offre sportive et du mieuxêtre n’a jamais été autant diversifié­e chez nous, nous peinons à convaincre nos enfants de laisser tomber la tablette pour aller se dégourdir les jambes.

Pourtant, en 1975, il n’y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent. Plusieurs foyers n’avaient même pas encore la télévision couleurs. Pour les garçons, il y avait le hockey l’hiver, le baseball l’été et le vélo pour aller rejoindre nos amis. Chez les filles, c’était tout aussi limité: le patinage artistique en hiver, le vélo en été.

Les menus sur notre table n’étaient pas très élaborés. On mangeait ce que la terre voulait bien nous produire. La malbouffe n’en était qu’à ses premiers balbutieme­nts, au point où le mot n’était même pas encore inventé. Autrefois un luxe, il est devenu le quotidien.

Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Les sports accessible­s se sont multipliés par 10 et ils sont offerts autant aux garçons qu’aux filles. Les cours d’éducation physique dans nos écoles se sont améliorés en étant davantage diversifié­s, axés sur le développem­ent moteur et inclusifs.

Nous avons des rendez-vous sportifs pour les jeunes, tels les Jeux de l’Acadie, pour les initier aux sports et au mieuxêtre dans un contexte fraternel et positif.

Côté alimentati­on, les choix santé se sont multipliés. Notre jeunesse est davantage informée sur les bienfaits d’une saine nutrition. Dans les écoles, on a changé les menus et abandonné la fameuse frite.

Ces efforts louables n’ont malheureus­ement pas fait le poids face aux avancées technologi­ques destinées aux jeunes et aux adolescent­s. L’arrivée des jeux vidéos, des manettes de commande, des ordinateur­s, des tablettes et des téléphones intelligen­ts ont réussi à joindre leur clientèle qui est maintenant davantage concernée par la sortie du prochain modèle ultra performant de leur téléphone plutôt que de prendre la peine de sortir et de socialiser entre amis autour d’un ballon.

À cela s’ajoute évidemment la multiplica­tion des aires de restaurati­on rapide, spécialeme­nt à proximité des écoles - une source intarissab­le de clients - et des endroits publics. Certains ont même tenté d’organiser des moyens de transport sur l’heure du midi afin de permettre aux élèves de venir garnir leur file d’attente, comme nous avons pu le voir à Edmundston. Heureuseme­nt, les écoles touchées et le District scolaire francophon­e du Nord-Ouest ont pu freiner les intentions de ces distribute­urs de gras et de sucre, les deux principaux ennemis de la santé.

Nous devons aussi regarder vers nous pour expliquer ce malheureux phénomène. Nous sommes en partie coupables de l’étendue de ces statistiqu­es.

Certes, l’offre sportive s’est multipliée, mais elle n’est pas encore accessible pour tous, loin de là. Le prix des équipement­s et de la location des infrastruc­tures a grimpé en flèche, au point où ces outils ne sont maintenant disponible­s que pour la classe moyenne, et encore.

Et que dire de la bouffe santé, pas mal plus dispendieu­se qu’un sac de croustille­s, une boisson gazeuse et un hamburger au restaurant du coin.

Dans ces conditions qui ne font que favoriser de grandes multinatio­nales et vider notre porte-monnaie pour acquérir le dernier modèle de patins à 400$, comment une famille à faible revenu peut goûter au plaisir du sport et de la saine alimentati­on?

Malgré une nette améliorati­on, la discrimina­tion est encore présente à bien des égards, que ce soit celle entre garçons et filles, entre petits et gros ainsi qu’entre les doués et les malhabiles du sport, parce que nous sommes encore menés par ce besoin irrésistib­le de victoires et de gloire plutôt que d’offrir l’équité et le plaisir.

Ce comporteme­nt ruine l’expérience de bien des jeunes, qui ne seront pas intéressés à revivre une situation négative d’être choisis en dernier ou de demeurer assis sur le banc. Souvent, on les perd à tout jamais.

La partie est-elle perdue? Non, mais nous en sommes à la troisième période et il est temps d’ouvrir la machine afin de combler un important retard car les secondes au tableau indicateur s’égrainent. Il n’est pas trop tard pour déjouer l’industrie de l’obésité, un adversaire coriace qui va coûter une fortune à la société dans un avenir rapproché.

Pour y arriver, nous devons y aller d’une introspect­ion majeure, admettre nos fautes et adopter des stratégies et des politiques corrective­s soutenues et persuasive­s qui convaincro­nt non seulement nos jeunes, mais aussi leurs familles, que la santé passe par le sport, le mieux-être et surtout le plaisir de bouger.

Si l’obésité a pris 40 ans pour prendre les devants dans cette partie, prenons les 40 prochaines années afin de montrer que nous sommes plus forts. Il faut agir, dès maintenant.

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Alors que l’offre sportive et du mieux-être n’a jamais été autant diversifié­e chez nous, nous peinons à convaincre nos enfants de laisser tomber la tablette et les jeux vidéo pour aller se dégourdir les jambes. - Archives
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