Shediac: des arbres coupés par vengeance?
Un promoteur immobilier de Shediac a abîmé une propriété publique adjacente à son terrain. Une opposante au projet de construction estime qu’il s’agit d’un acte délibéré pour se venger contre le voisinage, qui a tenté à maintes reprises de lui faire obsta
Voilà plusieurs années que Jacques LaForest tente de construire des appartements sur un terrain situé au coin des rues Miquelon et Chesley. Son projet a été mis sur la glace en 2010, à la suite d’une levée de boucliers de la part des citoyens du quartier résidentiel.
L’homme d’affaires avait sous-estimé l’opposition et ne s’était pas présenté à la réunion publique de l’époque pour défendre son projet. Les élus municipaux ont alors tranché en faveur des opposants.
Jacques LaForest a alors entrepris de couper les arbres sur son terrain, en plus de ceux qui se trouvaient sur le terrain voisin - appartenant à la municipalité -, ce qui était illégal. Aucune démarche juridique n’a été entreprise par la ville à l’époque et aucun arbre n’a été replanté.
Neuf ans plus tard, Jacques LaForest récidive. Lundi, il a finalement obtenu le feu vert du conseil municipal pour une modification de zonage permettant le nouveau développement: la construction de deux immeubles de 20 et de 16 unités.
Le lendemain matin, les travailleurs étaient déjà à pied d’oeuvre pour couper les arbres et niveler le terrain. Chantal Carroll observait les travaux de son patio, de l’autre côté de la rue Miquelon, quand elle a constaté que les ouvriers creusaient à l’extérieur des limites du terrain visé par la modification de zonage.
«Je sais qu’il (l’entrepreneur) a fait ça délibérément. Il a fait la même chose en 2010. Il n’a pas aimé qu’on lui donne de la misère et qu’on s’oppose à son projet. J’ai contacté la ville pour leur expliquer ce qui était en train de se passer.»
Selon le témoignage de Mme Carroll, le directeur général, Gilles Belleau, et la directrice des opérations municipales, Margot Allain Bélanger, sont allés à la rencontre de Jacques LaForest pour lui demander de cesser les travaux.
Ce dernier aurait refusé d’obtempérer immédiatement, pour une partie de la journée, toujours au dire de la voisine.
L’Acadie Nouvelle a tenté de joindre Jacques LaForest, mais les employés à l’oeuvre sur le terrain ont refusé de nous fournir son numéro de téléphone. L’un d’eux a promis de lui transmettre nos coordonnées. Il ne nous avait toujours pas rappelé au moment de mettre sous presse.
«IL N’Y A PAS DE TEMPÊTE LÀ»
Joint par téléphone mercredi midi, le directeur général de la Ville de Shediac confirme que Jacques LaForest n’a pas prévenu la municipalité avant de creuser sur la propriété publique. Gilles Belleau ne fait toutefois pas grand cas de cette affaire.
Selon lui, il est «commun» que les travaux d’un entrepreneur débordent sur les terres publiques, comme pour préparer les zones de drainage, par exemple.
«Il n’y a pas de tempête là. Plus de 90% des travaux qui ont été faits l’ont été sur son terrain.»
Gilles Belleau indique que ce qui a été arrachées par l’entrepreneur devra être remplacé, comme il sera indiqué dans le plan de site qui doit être présenté à la municipalité. L’accord des élus sur le contenu de ce document est conditionnel à l’obtention d’un permis de construction par Jacques LaForest. «Il peut préparer la terre, mais il ne peut rien construire tant qu’il n’a pas de permis.»
UNE SITUATION ANORMALE
Il est anormal qu’un promoteur effectue des travaux sur un terrain qui n’est pas le sien, indique le directeur général de la Commission des services régionaux du SudEst. Tout travail doit se faire sur la parcelle qui lui appartient, à moins d’une entente au préalable avec le propriétaire de l’autre terrain.
La politique est la même pour ce qui est du drainage, souligne Gérard Belliveau.
«Dans ce cas-ci, il aurait fallu une entente avec la Ville de Shediac. De ce que je comprends, le promoteur aurait procédé sans l’accord de la municipalité. Ce sera donc à la Ville de voir comment elle procédera avec ça. Elle pourrait fermer les yeux», explique-t-il.
Gérard Belliveau était directeur général de la Ville de Shediac de 2007 à 2010. Il était en poste lorsque la demande de changement de zonage initiale de Jacques Laforest a été refusée et quand ce dernier a coupé les arbres sur la propriété publique par la suite.
Il se souvient que les conseillers du temps n’ont «pas fait grand-chose» pour corriger la situation.
«Il aurait fallu poursuivre M. LaForest pour intrusion. C’est comme si quelqu’un allait dans la cour arrière de ta maison pour couper des arbres. Ça ne se fait pas.»
Gérard Belliveau se souvient que les élus ont préféré laisser la végétation repousser d’elle même, plutôt que de demander des comptes à Jacques LaForest.