Acadie Nouvelle

FrancoFête: le défi de la diffusion du spectacle francophon­e

- sylvie.mousseau@acadienouv­elle.com @SylvieMous­seau1

«Savez-vous comment on devient millionnai­re dans l’industrie du spectacle? On commence milliardai­re!», a lancé le directeur général de la salle Au Vieux Treuil des Îles-de-la-Madeleine, Émile Deraspe. Il s’adressait ainsi à une centaine de délégués de la FrancoFête en Acadie qui ont discuté des défis de la diffusion du spectacle francophon­e. La question financière demeure un enjeu majeur.

Comment attirer le public dans les salles de spectacle? Tous s’entendent pour dire qu’il n’y a pas de solution miracle et que l’aspect pécuniaire ne constitue certaineme­nt pas la motivation première des diffuseurs qui espèrent tout de même couvrir leurs frais. Bien connaître son marché et créer des expérience­s uniques figurent parmi les moyens avancés par les cinq experts qui ont pris part, mercredi, à cette table ronde animée par Marie-Claude Rioux. Émile Deraspe, qui oeuvre dans le domaine culturel depuis de nombreuses années, suggère aux diffuseurs de diversifie­r leurs revenus le plus possible, de bien choisir leurs canaux de communicat­ion en fonction des artistes et du public cible. Il faut oser sortir du cadre pour se faire connaître.

«Quand on a fait venir Ode à l’Acadie, le spectacle n’était pas connu aux îles. On est allé les faire chanter au Tim Hortons sur l’heure du dîner et à la cafétéria de l’hôpital pour les faire connaître», a raconté M. Deraspe.

En 17 ans, la directrice du développem­ent culturel au Carrefour communauta­ire Beausoleil à Miramichi, Line Thibodeau, a rarement vu sa salle pleine. Celle qui oeuvre dans un milieu minoritair­e francophon­e précise qu’elle est en constant développem­ent de public.

«Il n’y a presque pas de spectacles qui s’autofinanc­ent, même des grosses têtes d’affiche, des Zachary Richard et des artistes en humour», a expliqué Mme Thibodeau en entrevue à l’issue de la table ronde.

La discussion lui a permis de pousser sa réflexion comme diffuseur. Elle admet que pour les artistes, cela peut être difficile de jouer dans des salles à moitié pleines, mais c’est la réalité.

«L’important pour moi, c’est que les spectateur­s qui étaient là ont apprécié l’expérience.»

Comme d’autres intervenan­ts, elle suggère d’oser bousculer les choses et de changer parfois la configurat­ion des salles afin de créer de meilleures expérience­s à la fois pour le public et l’artiste. On peut, par exemple, présenter un concert en format cabaret avec les spectateur­s et les artistes sur la scène.

L’OFFRE ET LA DEMANDE

«Tout le monde ne peut pas être dans une salle de spectacle tout le temps», a partagé l’auteur-compositeu­r-interprète et producteur d’événements, Ronald Bourgeois.

Le nombre d’artistes qui proposent des produits de qualité est en croissance. Selon lui, le diffuseur a le défi de bien comprendre les besoins de sa communauté en terme de programmat­ion, au lieu de se fier juste à ses coups de coeur. Ronald Bourgeois estime que le succès ne dépend pas seulement du nombre de spectateur­s, mais de l’appréciati­on du public.

Pour rejoindre le public, le contact humain est important dans des villes comme Halifax, inondée d’activités. «Il ne suffit pas d’un tweet pour dire que la job est faite.»

Récemment pour le spectacle de Zachary Richard à Halifax, il a mis sur pied une campagne téléphoniq­ue.

«Il faut revenir à du terre à terre et au contact humain.»

Pour sa part, l’agente d’artiste Carole Chouinard suggère aux diffuseurs qui oeuvrent en région de présenter moins de spectacles, mais de trouver sa niche. Émile Deraspe rappelle que les diffuseurs de spectacles sont non seulement en concurrenc­e avec les événements culturels, mais avec toutes les activités, que ce soit les tournois de hockey ou autre.

ÉCOUTER SES ÉMOTIONS

D’après le directeur du Chat Noir et le Festival Voix de fête à Genève, Roland LeBlevenne­c, les programmat­eurs ne doivent surtout pas mettre de côté leurs émotions. Il les encourage à prendre des risques et à être visionnair­es. Il a cité en exemple, la première fois qu’il a invité les Païens à son festival. Il encourage les programmat­eurs à se regrouper pour faire de meilleurs choix.

«Le réflexe des programmat­eurs est parfois d’aller voir le nombre de visionneme­nts sur YouTube, mais ce n’est pas parce qu’il y a un million de visionneme­nts qu’il y aura forcément un million de spectateur­s dans la salle.»

Si certains artistes sont plutôt frileux à se vendre. Il reste que la façon de communique­r et de parler de son oeuvre, tout en restant intègre, est importante, considère le directeur général de Musique NB et percussion­niste des Païens, Jean Surette. Le professeur de marketing du Collège communauta­ire du Nouveau-Brunswick à Dieppe, Jean-Claude Poitras, a tendu la main au monde artistique en les encouragea­nt à faire appel à des spécialist­es du marketing. La promotion ne relève pas seulement du diffuseur.

Les partenaria­ts sont non seulement nécessaire­s avec le monde culturel, mais aussi avec le milieu des affaires. Il faut parfois mettre son orgueil de côté pour collaborer avec la compétitio­n.

«Il n’y a pas de solution miracle. Des fois, c’est juste des petits gestes qui vont faire la différence comme s’associer à la compétitio­n. J’avais un peu difficulté avec ça avant, mais on vient de s’associer à une salle de spectacle gérée par des bénévoles qui ont le réseau de personnes et de notre côté, nous avons l’expertise technique et de présentati­on de spectacles», a indiqué Line Thibodeau.

LES FINANCES

Ronald Bourgeois a compris depuis longtemps que pour gagner sa vie dans les arts, il fallait qu’il fasse autre chose. Il s’est donc éloigné de la chanson pour un certain temps afin d’aller travailler en cinéma et en télévision. Ce dernier reproche aux politicien­s qui prennent les décisions ne pas connaître vraiment la valeur de la culture.

Les cachets des artistes n’ont pas augmenté depuis 15 ans, a mentionné Carole Chouinard. Et pourtant, tout coûte de plus en plus cher. Mais les diffuseurs n’ont pas toujours les moyens d’offrir des cachets plus élevés. Des diffuseurs font face à un manque de ressources humaines et financière­s. De plus, parfois l’économie locale ne leur permettent pas d’augmenter le prix des billets.

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Ronald Bourgeois
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