Le bilinguisme fait-il de l’ombre aux langues autochtones?
La francophonie a protesté suivant la défaite écrasante, le 26 octobre, du projet C-203 du député néo-démocrate François Choquette, visant à faire du bilinguisme des juges une condition pour la nomination à la Cour suprême. Hors Québec, seulement cinq d’une quinzaine de libéraux ont tranché en faveur du projet. Le vote a aussi divisé les néo-démocrates. Jean-Pierre Dubé
Le député québécois Romeo Saganash, par exemple, s’est absenté au moment du vote, lançant ensuite un pavé en déclarant que le bill renforçait l’exclusion de juristes autochtones. L’affaire a rebondi le 9 novembre dans Le Devoir, citant le néo-démocrate avec ce titre: «Ignorer les langues autochtones, c’est perpétuer le colonialisme».
L’élu abitibien soutient que l’approche du bilinguisme officiel écarte les langues autochtones. «Avec ce projet de loi, a-t-il déclaré, on ne parle que de l’anglais et du français. Pourquoi ne parle-t-on pas des langues autochtones qui existent depuis 5000, 7000, 10000 ans? Il faut repenser notre État en fonction du fait que ce ne sont pas juste des Anglais et des Français qui vivent ici.»
L’article coïncidait avec une lettre signée par neuf universitaires du milieu minoritaire déplorant l’opposition des élus francophones au projet et demandant: qui défend les langues officielles au Parlement? Ils ont pointé du doigt les opposants au projet: les NépBrunswickois Serge Cormier, Pat Finnigan, Dominic LeBlanc, Ginette Petitpas-Taylor, ainsi que leur collègues Randy Boissonnault et Marc Serré. pour les revitaliser. Le rapport demande également la création de programmes d’enseignement postsecondaire dans la langue des Premières Nations et de nommer un commissaire aux langues autochtones.
Le président de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, Justin Johnson, luimême Métis, voit ce débat d’un bon oeil. Il souligne l’importance de trouver un terrain d’entente sur les langues «officielles ou pas, qui reflètent qui nous sommes et qui nous voulons devenir».
Le Manitobain rappelle que les langues appartiennent aux peuples autochtones et qu’elles sont considérées comme sacrées pour les aînés et les sages.
«Il serait primordial que toute demande d’officialiser des langues autochtones provienne des communautés elles-mêmes. Il ne semble pas que la priorité soit d’officialiser, mais plutôt de revitaliser et de préserver. Certaines sont en voie de disparition, par exemple, le métchif.»
Justin Johnson croit que Romeo Saganash soulève un point important, dans le sens d’établir «un rôle et une place aux peuples autochtones dans le processus démocratique canadien». Mais il ne sait pas si les Premières Nations souhaitent cette approche ou veulent demeurer en parallèle dans «une relation de nation à nation».
Il rappelle le langage de la CVR réclamant que «ce sont les peuples et les collectivités autochtones qui sont le mieux à même de gérer la préservation, la revitalisation et le renforcement des langues et des cultures autochtones».