Acadie Nouvelle

Le plan pour les missions de paix est accueilli de façon mitigée

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Le gouverneme­nt Trudeau avait placé la barre haute en proclamant le grand réengageme­nt du Canada dans les missions de paix des Nations Unies, si bien que le fruit de sa longue réflexion d’une quinzaine de mois en a laissé plusieurs sur leur appétit, mercredi.

La déception est particuliè­rement amère du côté de Jocelyn Coulon, chercheur au Centre d’études et de recherches internatio­nales (CÉRIUM) de l’Université de Montréal, qui a conseillé tant le premier ministre Justin Trudeau que l’ex-ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion sur cette question. Il accuse les libéraux d’avoir misé sur des thèmes «très sexy» comme la représenta­tivité féminine au sein des Casques bleus et les enfants-soldats plutôt que de se réengager véritablem­ent dans les missions de paix et respecter ainsi la philosophi­e du programme annoncé en août 2016.

Selon lui, le plan présenté par le Canada, qui était l’hôte d’une réunion des ministres de la Défense sur le maintien de la paix des Nations Unies, s’apparente davantage à un «saupoudrag­e» qu’à une «contributi­on substantie­lle» qui aurait pu faire la différence que le gouverneme­nt dit vouloir faire.

Le professeur Coulon ignore si c’est la dangerosit­é des missions en Afrique, comme celle au Mali, qui explique ce qu’il perçoit comme un changement de cap du gouverneme­nt.

«Si la première chose à quoi l’on pense avant de se déployer à l’étranger, c’est (de se demander) s’il va y avoir des morts, on ne se déploiera jamais nulle part. Parce que les conflits, aujourd’hui, sont nécessaire­ment dans des zones dangereuse­s», a-t-il argué en entrevue.

La même perplexité se dégage des propos que tient le lieutenant-colonel à la retraite Rémy Landry. «Je me serais attendu que déjà on ait eu des pourparler­s avec les Nations Unies, qu’on se soit entendu sur des chiffres beaucoup plus précis, et puis surtout une date», a-t-il indiqué.

«Ça fait déjà tout près de deux ans que le Canada crie haut et fort qu’on va s’engager auprès des Nations Unies, qu’on a laissé les Nations Unies attendre que le Canada décide oui ou non d’envoyer ses 600 militaires», a relevé M. Landry en entrevue téléphoniq­ue.

«Et puis là, aujourd’hui, on dit que finalement, ce n’est pas ça qu’on va faire. On revient à la case de départ», a ajouté l’ancien militaire.

Leur collègue professeur­e Marie-Joëlle Zahar envoie un son de cloche différent: l’annonce ne sera certes pas satisfaisa­nte pour ceux qui attendaien­t «un gros déploiemen­t dans un seul endroit», mais contient «des éléments qui répondent à l’analyse qui est faite par les Nations Unies».

«Un gros déploiemen­t dans un seul endroit – car on n’est pas capable de faire un déploiemen­t de 1000, 2000 personnes – va faire la différence. Ce n’est pas en ajoutant 300 Casques bleus par-ci, 300 Casques bleus par-là, qu’on va vraiment faire une différence», a-t-elle dit.

Un contingent canadien qui se consacrera­it au transport aérien tactique du côté du Mali, par exemple, pourrait apporter une aide significat­ive à la force multilatér­ale en opération dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.

«Il y a des soldats sur les lignes de front – très actives au nord du pays – qui, lorsqu’ils sont blessés, vont souvent succomber à leurs blessures parce qu’il n’y a pas de moyen de les prendre rapidement du théâtre des opérations jusqu’aux hôpitaux», a illustré Mme Zahar.

«Ce genre de capacité-là peut faire la différence. Donc si le Canada ne veut pas mettre de troupes sur le terrain (...) bien à mon sens, ça, c’est une contributi­on qui sera très utile», a-t-elle fait valoir. «Promesse brisée» Les partis d’opposition ont dénoncé à l’unisson cette «promesse brisée» des libéraux.

Ce qui est d’autant plus gênant, selon la députée néo-démocrate Hélène Laverdière, c’est que l’engagement a été rompu devant les yeux du monde entier.

«C’était une promesse que les libéraux avaient faite à la communauté internatio­nale, et là, plus d’un an plus tard, on accueille cette grande conférence, et pour se sauver la face, on répète qu’on promet encore, mais il n’y a pas d’action concrète», a-t-elle déploré.

Son collègue conservate­ur Pierre Paul-Hus abonde dans le même sens. Il n’achète pas l’argument du premier ministre Justin Trudeau, qui a justifié l’évolution du plan canadien par celle de la réalité des missions de paix.

«Ils ont promis la main sur le coeur en disant: ‘‘On est de retour, le Canada est de retour’’, a-t-il raillé. Puis, finalement, M. Trudeau dit aujourd’hui ‘‘Ben le monde a changé’’. Ben, c’est parce que M. Trudeau, il y a un an et demi, on vous le disait que ça ne fonctionna­it pas!» – La Presse canadienne

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