LA RÉVOLUTION EST COMMENCÉE
Face aux difficultés des usines de transformation à embaucher assez d’employés pour traverser la saison des pêches, le recours aux robots devient de plus en plus séduisant.
Le problème n’est pas nouveau. Les transformateurs n’arrivent plus à attirer de jeunes travailleurs et la main-d’oeuvre se fait vieillissante: la moyenne d’âge des travailleurs avoisine les 55 ans.
Ce constat a pesé fortement dans le choix des Pêcheries Belle Île de Lamèque d’installer un robot conçu dans la Péninsule acadienne.
«À un moment donné, s’il n’y a plus d’employés, s’il n’y a plus d’expertise, il va falloir se transformer. Dans les 10 prochaines années, il y aura énormément de développement en robotique», affirme Yoland Chiasson, directeur des finances et de la qualité.
«Il n’y a pas lieu de faire rentrer des robots ici pour supprimer des emplois. Il s’agit de pallier une main-d’oeuvre de plus en plus absente.»
Roch Chiasson est directeur des ventes de Cube Automation, une entreprise de Tracadie spécialisée dans l’automatisation de la production des produits de la mer. Bon nombre de ses clients disent chercher des solutions pour remplacer les babyboomers partis à la retraite.
«Il y a des propriétaires qui paniquent dans certaines régions, soit ils robotisent leurs usines, soit ils déménagent. C’est plus compliqué que des entrepreneurs qui veulent fait toujours plus de profits. Si tu ne le fais pas, tu ne seras plus compétitif et tu risques de fermer. Si tu le fais, il y aura moins d’emplois par unité produite.»
Aux pêcheries Westmorland, à Cap Pelé, on se prépare activement au virage de la robotique. La direction de l’entreprise spécialisée dans les produits de homard a visité plusieurs usines de transformation de poulet et de saumon où l’automatisation prend une plus grande place.
«On a commencé à avoir des discussions avec des constructeurs de robotique pour voir quelles sont les possibilités. Je ne crois pas que c’est pour demain, ça prendra de cinq à 10 ans», affirme Nathanaël Richard, directeur des affaires corporatives.
L’HOMME REMPLACÉ PAR LA MACHINE?
Sur la question des emplois, Nathanaël Richard se veut rassurant.
«Je ne crois pas qu’on parle de pertes d’emplois majeures, mais c’est un secteur qui compte déjà sur des travailleurs internationaux temporaires pour arriver à faire fonctionner les usines. Toutes les usines continuent d’avoir des difficultés à avoir assez de monde pendant les saisons de surproduction.»
M. Richard est persuadé que les transformations technologiques se traduiront par des emplois mieux rémunérés et de meilleures conditions de travail.
«On va faire le même volume avec moins de monde. Et ces gens vont voir leur travail évoluer. Ça va demander des compétences différentes du travail de manutention et on aura de plus en plus besoin d’opérateurs de machines. Il y aura plus de demande pour des personnes capables de faire la maintenance et l’entretien des équipements.»
Les créateurs de robots constatent que leur activité soulève parfois les passions et les inquiétudes.
«C’est un sujet chaud. On a des usines qui risquent de fermer en région par manque d’employés, mais quand on parle d’automatisation, les gens ont peur qu’on coupe des jobs et qu’on se retrouve avec des villages fantômes. Les industriels sont pris avec ça», note Roch Chiasson.
L’entrepreneur reconnaît que la robotisation se traduira par des besoins en maind’oeuvre moins importants, mais pense qu’elle ouvrira la voie à de nouveaux métiers et des emplois plus qualifiés.
«Les compétences des techniciens doivent être à un autre niveau. Mes clients commencent à organiser des formations en robotique. Ces emplois sont plus attirants pour un jeune qui revient de la ville», dit-il.
«Je souhaite que ça crée des emplois plus techniques, plus intéressants, et que ça incitera des jeunes à revenir en région.»
Si les possibilités de robotisation sont immenses, certaines compétences ne pourront pas être remplacées de sitôt, souligne d’ailleurs Yoland Chiasson. «Il y aura toujours un bon bassin d’employés. La transformation de fruits de mer demande une certaine dextérité que seul un humain peut avoir.»