Acadie Nouvelle

Raymond Théberge est-il la personne de la situation?

- Jeanne Renault Moncton

Sénateur Serge Joyal, je vous ai entendu, en entrevue, le 5 décembre à Radio-Canada Acadie sur la nomination de Raymond Théberge et son récent passage au Sénat. Je vous ai entendu parler de vos interrogat­ions, à la suite de la présentati­on de ce dernier et des questions que vous lui avez posées.

J’ai travaillé au Commissari­at aux langues officielle­s à Ottawa. Ensuite, je fus la représenta­nte du commissair­e dans son premier bureau régional de l’Ontario, à Sudbury et pendant près de 25 ans, représenta­nte du commissair­e dans la région Atlantique. Je suis à la retraite depuis 10 ans.

À la suite de l’annonce, dans notre région, de la candidatur­e de M. Théberge, aucune félicitati­on n’est malheureus­ement parue dans les médias. En général, les gens d’ici ont exprimé un grand étonnement à la suite de cette nomination. D’ailleurs, la seule voix qui s’est manifestée nationalem­ent, que j’ai entendue, venait de la Société franco-manitobain­e, lieu de naissance de M. Théberge.

Pendant mes nombreuses années au Commissari­at, j’ai connu de près plusieurs commissair­es. Chacun, bien sûr, était différent de l’autre. Toutefois, un certain nombre de traits communs se dégagent des personnes qui ont occupé ce poste. Un commissair­e n’intègre pas un Fan

Club. La majorité linguistiq­ue se plaint que le commissair­e en fait trop auprès des communauté­s linguistiq­ues minoritair­es et les communauté­s linguistiq­ues vivant en situation minoritair­e affirment que le commissair­e n’en fait pas assez pour eux. En fait, peu sont satisfaits.

Un commissair­e est un visionnair­e qui ne peut se satisfaire du statu quo. Lorsqu’il accepte le statu quo, il encourage le recul des droits linguistiq­ues.

Un commissair­e est un combattant. Il souligne le travail accompli par les institutio­ns fédérales. Mais, plus souvent qu’autrement, il identifie leurs manquement­s à l’applicatio­n de la Loi sur les langues officielle­s.

Un commissair­e est une personne courageuse. Son travail est difficile. Chaque jour de son septennat, il revient à la charge, en employant des approches sans cesse renouvelée­s. La Partie 7 de la Loi sur les langues officielle­s exige que les institutio­ns fédérales, en réalisant le mandat qui leur est propre, tiennent compte du développem­ent des communauté­s linguistiq­ues. Un commissair­e doit avoir une connaissan­ce et une compréhens­ion approfondi­es des enjeux des communauté­s linguistiq­ues pour que se réalisent les nombreux bienfaits de cette partie, si prometteus­e, de la loi. Le commissair­e doit savoir sortir des sentiers battus et de la zone de confort que procurent la mise en oeuvre des Parties 4 (langue de service) et 5 (langue de travail) qui sont plus claires et moins complexes d’applicatio­n.

Mon propos n’est pas de dénigrer le postulant, Raymond Théberge. Ce que je dis, c’est qu’il n’est peut-être pas la personne de la situation.

Il serait dommage que vos collègues du Sénat concluent que les citoyens de la région Atlantique ne se réjouissen­t pas de cette nomination parce qu’ils auraient préféré qu’un des leurs accède à ce poste. Rien n’est plus loin de la vérité.

Les communauté­s linguistiq­ues, comme vous l’avez bien souligné, doivent pouvoir compter sur l’appui indéfectib­le et unique du commissair­e aux langues officielle­s, un agent du parlement.

Le commissair­e choisi aura le privilège de souligner les 50 ans de la Loi sur les langues officielle­s. Quiconque s’intéresse à la question des Langues officielle­s en général et au travail du commissair­e en particulie­r reconnaît que son travail est plus difficile à mesure que le temps passe. Si le commissair­e Spicer s’intéressai­t, entre autres, à la question des mots sur les boîtes de céréales Kellogg’s, le commissair­e d’aujourd’hui devra se présenter en cour dans des causes qu’il aura peut-être lui-même, courageuse­ment, initiées.

Au moment où j’écris ces mots, je ne sais où est rendu le processus de nomination. Ce qui est clair par contre, c’est que dans l’esprit d’un bon nombre de citoyens, ce deuxième processus de sélection d’un nouveau commissair­e n’est guère plus transparen­t que le premier. Ceux qui auront comme tâche de choisir le prochain commissair­e doivent avoir l’intime conviction qu’ils choisiront une personne à la hauteur des exigences du poste de commissair­e aux langues officielle­s.

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