Les opposants à la privatisation en santé se font entendre
«L’EXTRA-MURAL N’EST PAS À VENDRE!»
«L’extra-mural n’est pas à vendre!» Tel est le message lancé par plus de 150 manifestants rassemblés lundi midi, à Dieppe, devant le bureau de circonscription du premier ministre Brian Gallant.
Associations d’aînés, leaders étudiants, syndicats, patients, personnel médical, représentants du NPD et membres de la SANB formaient une coalition hétéroclite.
Munis de pancartes et de drapeaux, ils ont donné de la voix pour dénoncer le transfert de gestion du Programme extramural et de Télé-Soins, qui doivent passer au privé au 1er janvier.
Ils s’inquiètent également des négociations en cours afin de confier au groupe privé Sodexo la tâche de gérer l’entretien ménager, les services alimentaires et le transport des patients dans les hôpitaux. Le gouvernement n’a toujours pas révélé où en sont les pourparlers à ce sujet.
Infirmière au Centre hospitalier universitaire Dr-George-L.-Dumont, Lise Ethier n’a pas hésité à s’opposer publiquement à la réforme du programme extra-mural. Elle constate que le projet de privatisation plonge le milieu médical dans l’incertitude.
«On ne comprend pas encore très bien comment ça va être géré», dit-elle.
Lise Ethier affirme qu’à la suite de l’annonce, plusieurs collègues ont signifié leur intention de démissionner ou de changer de poste. Elle ajoute que plusieurs postes d’infirmières actuellement vacants sont difficiles à pourvoir.
«Je ne sais pas qui ils trouveront pour les remplacer. Ces infirmières sont les piliers de l’hôpital, elles ont du métier, elles sont efficaces.»
Les manifestants jugent que la province n’a pas donné de raisons suffisantes pour justifier une telle mesure. L’ancien ministre Victor Boudreau indiquait que le regroupement ne servira pas à faire des économies. Au contraire, le fournisseur de services de soins de santé sans but lucratif Medavie recevra jusqu’à 4,4 millions $ par an du gouvernement s’il remplit les objectifs fixés par la province.
«Le gouvernement préfère donner des millions à une grande société plutôt que d’aider les travailleurs de la base, s’insurge Mme Ethier. Le privé tourne autour de nos services de santé. Ce sont des occasions de placements lucratifs. Ils ont un objectif: soigner leurs profits, pas nos patients!»
Lors d’une tournée destinée à expliquer le projet, le PDG de Medavie, Bernard Lord, avait assuré que le regroupement permettrait de mieux coordonner trois services qui fonctionnent actuellement de façon séparée.
Or selon Lise Ethier, cette collaboration entre l’extra-mural et Ambulance NB se fait déjà et pourrait tout à fait être approfondie sans transfert de gestion.
«Les ambulanciers communiquent rarement avec nous parce que ce sont souvent des situations extrêmes qui nécessitent d’aller à l’urgence. Sinon, ils le font et les infirmières sont tout à fait prêtes à prioriser le cas.»
UN FRONT DE CRITIQUE
Plusieurs intervenants ont pris la parole lors de la manifestation organisée par le Syndicat canadien de la fonction publique.
Dr Hubert Dupuis, porte-parole d’Égalité Santé en français, juge injustifiée la décision du gouvernement.
«Le Programme extra-mural fonctionne très bien, c’est un joyau du système de santé néo-brunswickois. Il n’y a eu aucune consultation, le ministre n’a pas fait d’étude, il n’a pas regardé si le Programme extra-mural marchait mal et si d’autres options étaient sur la table.»
Le médecin dénonce un processus «opaque», car l’accord a été décidé en secret et sans appel d’offre. Il fustige une «manoeuvre antidémocratique et autoritaire» du gouvernement Gallant.
De son côté, la chef du NPD Jennifer McKenzie a affirmé qu’un gouvernement NPD reviendrait sur la décision du gouvernement libéral.
«Nous rendrons les soins de santé publics à l’administration publique», a-t-elle lancé.
Cecile Cassista, directrice générale de la Coalition des aînés et des résidents de foyers de soins, a participé à la tournée provinciale «NON à la privatisation de l’extra-mural!».
«L’extra-mural n’est pas à vendre et devrait rester sous l’autorité des réseaux de santé publics. Nous voulons que le gouvernement nous écoute, dit-elle. Une compagnie privée n’a pas les mêmes comptes à rendre auprès du public. Nous ne pouvons pas accepter ça.»
LE BRAS DE FER SE POURSUIVRA AU TRIBUNAL
Dr Hubert Dupuis croit qu’il est encore temps de convaincre le gouvernement provincial à faire marche arrière dans ce dossier.
Égalité Santé en français a déposé une demande d’injonction interlocutoire afin de forcer Fredericton à cesser le transfert de gestion du Programme extra-mural. La Cour du Banc de la Reine devra se prononcer le 19 décembre à Moncton.
«Dans la loi sur les régies régionales de la santé, il n’y a rien qui permet au ministre de privatiser un service géré par les régies de la santé», avance Dr Hubert Dupuis.
Le 4 janvier, la Cour du Banc de la Reine devra également traiter la demande de révision judiciaire déposée par Égalité Santé en français.