AU GRAND ÉCRAN: UN TRIP À TROIS QUI MANQUE D’ORIGINALITÉ
Un titre qui titille l’imaginaire, une immense vedette de l’humour et un sujet osé: la nouvelle comédie québécoise Le trip à trois a misé sur les bons ingrédients pour attirer les foules. Malheureusement, le résultat est loin de passer à l’histoire en rai
Le trip à trois raconte l’histoire d’Estelle (Mélissa Désormeaux-Poulin), une jeune analyste financière âgée de 34 ans. Parfaite épouse qui prend soin de sa santé, maman dévouée et travailleuse respectée, Estelle n’est pas pour autant heureuse.
En discutant avec ses amies, la jeune femme réalise que son entourage la trouve ennuyeuse, conservatrice et prévisible.
Déterminée à changer, à mettre du piquant dans sa vie et à assumer davantage sa sexualité, Estelle se donne comme projet de participer à un trip à trois en compagnie de son mari (Martin Matte) et d’une autre femme.
Dans l’espoir de raviver la flamme vacillante du désir, le couple part à la recherche de la perle rare. La tâche s’avère par contre beaucoup plus délicate et difficile que prévu…
DU BON BOULOT
Outre le sexe, Le trip à trois mise à fond sur ses deux vedettes pour convaincre les cinéphiles de se déplacer.
Pour un, Martin Matte est plutôt bon. Pour un gars qui incarne le même personnage sur scène depuis près de 20 ans, l’humoriste est sorti de sa zone de confort en nous offrant un protagoniste qui est beaucoup plus qu’un bouffon.
De son côté, Mélissa Désormeaux-Poulin est convaincante dans un rôle atypique de femme ordinaire qui se cherche.
Assurément une des meilleures comédiennes québécoises de sa génération, la jeune femme est toutefois beaucoup plus à l’aise dans des scénarios moins légers. Son talent dramatique est ici criminellement gaspillé.
Le reste de la distribution fait aussi le travail. Bénédicte Décary et Anne-Élisabeth Bossé sont parfaites dans le rôle des (détestables) adolescentes attardées alors que RémiPierre Paquin, en homme soumis, vole la vedette dans toutes ses scènes.
ORIGINAL, MAIS PUDIQUE
Si Le trip à trois se démarque un tant soit peu, c’est par son traitement du désir sexuel féminin. Il est rare, au cinéma québécois, d’entendre un groupe d’amies discuter crûment de sexe - comme on a tant l’habitude de voir les hommes le faire.
Le film est toutefois loin de réinventer la roue. Au petit écran, des comédies comme
Les Simone et Trop, pour ne nommer que celles-là, explorent le concept de la sexualité féminine de façon beaucoup plus assumée.
Parce que non, Le trip à trois ne s’assume pas. On sent que l’équipe de production a voulu se tenir loin de la controverse. Outre quelques répliques salaces, le scénario ne va pas beaucoup plus loin qu’un banal film des années 1950...
Heureusement, de bons gags viennent pimenter la sauce. Des gags qui reposent principalement sur des situations et le talent des comédiens. Parce que pour la subtilité des dialogues, on repassera.
UNE PRÉMISSE RIDICULE
Malgré tout cela, la principale faiblesse du film de Nicolas Monette est sa prémisse.
Une partie de moi comprend l’idée de base: une jeune femme carriériste choisit de sortir de son petit quotidien rangé en se prouvant qu’elle peut accomplir un acte qui lui semble totalement contre nature.
Là où je décroche, c’est quand le réalisateur tente de nous faire croire que le fait de participer à un à trois va complètement transformer Estelle. Que cela va en faire une femme plus émancipée.
Tout d’abord, je ne comprends pas en quoi Estelle a besoin d’un défi. Son quotidien regorge de défis! Son conjoint la tient pour acquise, sa fille a des problèmes de comportement et, dans son travail, elle excelle à gérer le risque.
Et même si Estelle parvient à se réaliser dans son défi sexuel, que se passera-t-il ensuite? Combien de temps faudra-t-il avant que son couple retombe dans sa routine? Est-ce que sa fille va devenir un ange comme par magie? Et est-ce que ces patrons vont se dire: «wow, cette femme-là a fait un trip à trois, qu’on lui donne une promotion sur le champ»?
En fait, toute cette histoire de trip à trois émancipateur n’est qu’un vulgaire prétexte pour tenter d’attirer les spectateurs en salle en leur promettant un aguichant mélange d’humour et de sexualité. Je ne m’attendais pas à un essai digne du Destin de l’empire
américain (1986), mais un peu plus de substance et surtout d’audace n’auraient pas fait de tort.
La vérité, c’est que Le trip à trois est un film rapidement oubliable qui, en raison de sa maladroite retenue, n’émoustillera personne.