Acadie Nouvelle

Le pari Medavie

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Le gouverneme­nt provincial a finalement rendu publique l’entente le liant à la société Medavie concernant la privatisat­ion de la gestion du Programme extra-mural. S’il contient quelques surprises, on y retrouve aussi des clauses compliquan­t la vie d’un futur gouverneme­nt qui voudrait y mettre fin.

Le contrat confirme une bonne fois pour toutes que le service en tant que tel n’est pas privatisé (seulement sa gestion). Les employés de l’extra-mural demeureron­t à l’emploi de la province. Le gouverneme­nt continuera de payer leurs salaires et leurs avantages sociaux, l’équipement, les médicament­s, etc. Aucune mise à pied n’est prévue. Lors d’une rencontre avec l’équipe éditoriale de l’Acadie Nouvelle en novembre 2017, le ministre de la Santé, Benoît Bourque, et le PDG de Medavie, Bernard Lord, avaient confirmé, en réponse à nos questions, que le contrat contiendra­it des dispositio­ns dans le cas où l’une des deux parties souhaitera­it se retirer, mais avaient refusé de chiffrer la pénalité prévue.

L’Acadie Nouvelle a finalement obtenu cette informatio­n la semaine dernière (jusqu’à 1 million $). Le dévoilemen­t de l’entente nous permet toutefois d’obtenir plus de détails.

La clause punitive s’enclencher­a seulement si le gouverneme­nt (ou Medavie) souhaite déchirer le contrat sans une raison valable. Par contre, si Medavie ne respecte pas cinq objectifs de performanc­e, Fredericto­n pourrait arrêter l’expérience en justifiant une détériorat­ion du service. Voilà qui est rassurant. Notons toutefois qu’à moins que les gens de Medavie ne fassent preuve d’une incompéten­ce crasse, il est peu probable que ce scénario devienne réalité. Les objectifs sont atteignabl­es.

Dans les circonstan­ces, ce n’est pas surprenant que le chef de l’opposition, Blaine Higgs, ait choisi la prudence en refusant de s’engager à déchirer le contrat s’il accède au pouvoir.

Pour s’assurer que le Programme extramural reste entre de bonnes mains, le gouverneme­nt Gallant a préféré la carotte au bâton.

En effet, les pénalités prévues n’ont rien de spectacula­ire. Le niveau de satisfacti­on actuel des patients est présenteme­nt de 95%. Le contrat prévoit que si ce taux diminue, 5000$ de moins seront versés à Medavie pour chaque baisse d’un point de pourcentag­e.

À titre d’exemple, si le taux de satisfacti­on devait diminuer de 10% (ce qui sousentend­rait des problèmes majeurs), Medavie ne perdrait qu’autour de 50 000$ par année. Rien pour écrire à sa mère. Par contre, l’entreprise sans but lucratif recevra un montant annuel de base de 2,6 millions $, mais aussi des primes de rendement pouvant aller jusqu’à 1,8 million $.

Elles lui seront remises si elle respecte certains indicateur­s, par exemple en réduisant le nombre de visites à l’urgence de la part des patients de l’extra-mural ou en faisant passer de trois à une journée le délai entre l’inscriptio­n d’un nouveau patient au programme et la première visite d’un profession­nel de la santé.

Notons que Bernard Lord avait déjà affirmé, lors de sa rencontre avec notre équipe éditoriale, qu’il n’entrevoyai­t pas de problèmes à réaliser ces objectifs que son équipe a sans doute proposés elle-même au gouverneme­nt.

Les primes prévues seront sans doute versées dans leur presque totalité. Cela coûtera plus cher au gouverneme­nt, mais ce sera un mal pour un bien si cela se traduit en améliorati­ons concrètes pour les patients.

Néanmoins, il faudra garder l’oeil ouvert. À titre d’exemple, il ne faudrait pas que des patients qui devraient être normalemen­t transporté­s à l’hôpital ne le soient pas parce que ce n’est pas suffisamme­nt «payant» pour Medavie.

C’est toutefois là qu’entre en compte le fait que les infirmière­s et autres profession­nels de la santé continuero­nt d’être à l’emploi du gouverneme­nt, ce qui les mettrait normalemen­t à l’abri d’hypothétiq­ues et peu probables pressions en ce genre.

Le contrat contient aussi une clause sur la langue de service. Le contraire eut été surprenant. L’expérience avec Ambulance NB nous apprend toutefois que cela ne signifie pas que toutes les obligation­s linguistiq­ues seront respectées.

Medavie risque toutefois de rencontrer moins de problèmes sur ce front qu’avec Ambulance NB. D’abord, elle ne fait pas face à une pénurie de personnel bilingue dans ce milieu. De plus, la plupart des interventi­ons sont prévisible­s et planifiées d’avance.

Le gouverneme­nt Gallant fait le pari que le Programme extra-mural changera pour le mieux. Il croit que Medavie fera la démonstrat­ion que dépenser 1 million $ pour annuler l’entente sera non seulement vu comme étant un gaspillage de fonds publics, mais aurait aussi comme conséquenc­e de nuire à la qualité du service. Un pari qu’il s’est donné les moyens de réussir.

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