Acadie Nouvelle

Retrait éventuel des États-Unis de l’ALÉNA: «Il y a beaucoup de points d’interrogat­ion»

- pascal.raiche-nogue@acadienouv­elle.com @raichenogu­e

L’avenir de l’ALÉNA est plus incertain que jamais, après les révélation­s de la semaine dernière sur le retrait éventuel des États-Unis. Que se passera-t-il au Nouveau-Brunswick si les craintes du Canada s’avèrent fondées? L’Acadie Nouvelle a posé la question à deux économiste­s. L’agence de presse Reuters a sorti un

scoop majeur, la semaine dernière, en rapportant que le gouverneme­nt canadien s’attend de plus en plus à ce que le président américain annonce le retrait de son pays de l’Accord de libre-échange nordaméric­ain.

La nouvelle est tombée à l’approche de la sixième et avant-dernière ronde de négociatio­ns de l’ALÉNA entre les trois pays signataire­s (le Canada, les États-Unis et le Mexique), prévue du 23 au 28 janvier à Montréal.

Au Nouveau-Brunswick, le monde des affaires suit de près ce dossier (voir le texte en p. 2). Et pour cause, selon le professeur adjoint à l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton, Octave Keutiben.

Il croit toutefois qu’il faut relativise­r les choses. En ce moment, certains produits néo-brunswicko­is ne sont pas exemptés de droits lorsqu’ils sont exportés aux ÉtatsUnis. C’est le cas du bois d’oeuvre, qui est au coeur d’une guerre commercial­e entre le Canada et son voisin du sud.

La mort de l’ALÉNA ne changerait donc pas la donne pour l’ensemble de l’économie néo-brunswicko­ise. Elle pourrait cependant ouvrir la porte à l’imposition de nouveaux droits.

Octave Keutiben note que l’on n’a aucune idée quelles barrières au libre-échange pourraient imposer les États-Unis si Donald Trump décidait bel et bien de saboter l’ALÉNA.

Cette incertitud­e n’est pas de bon augure pour les entreprene­urs néo-brunswicko­is, dit-il.

«La plus grande crainte pour tout homme d’affaires, c’est de ne pas connaître l’horizon.»

«SI ON SE RETIRE DE L’ALÉNA, CE N’EST PAS LA FIN DU MONDE»

Son collègue à l’École des hautes études publiques de l’U de M, Pierre-Marcel Desjardins, note lui aussi que le Canada n’a pas un «un accès garanti tous azimuts au marché américain» grâce à l’ALÉNA.

L’un des avantages majeurs de cette entente tripartite, c’est qu’elle établit des paramètres clairs régissant les échanges entre les trois pays signataire­s. Elle permet aussi la résolution des conflits commerciau­x grâce à des mécanismes bien balisés.

«Si on se retire de l’ALÉNA, ce n’est pas la fin du monde. Ce qui se produit, c’est qu’on arrive dans un environnem­ent où il n’y a plus nécessaire­ment de règles du jeu.»

Et avec Donald Trump à la tête des États-Unis, bien malin celui qui pourra prédire quels tarifs seront imposés aux exportatio­ns canadienne­s.

«Il y a beaucoup de points d’interrogat­ion», dit-il.

«Éliminons l’ALÉNA et on tombe dans cet environnem­ent de Far West, là où il n’y a plus nécessaire­ment de règles. Il y a les règles de l’Organisati­on mondiale du commerce, mais les États-Unis ne vont pas nécessaire­ment les suivre et ne vont pas nécessaire­ment les reconnaîtr­e.»

Si l’ALÉNA tombe bel et bien à l’eau, le Canada va se retrouver dans une position semblable à la période pré 1988, soit avant la ratificati­on de son ancêtre, l’Accord de libre-échange canado-américain (ALÉ), affirme-t-il.

Pierre-Marcel Desjardins rappelle que cela ne voudra pas dire que les échanges entre le Canada et les États-Unis cesseront. Ils étaient des partenaire­s commerciau­x avant la signature de l’ALÉ et continuero­nt de l’être même si l’ALÉNA rend l’âme.

«Pour nos producteur­s, ça ne veut pas dire que le marché américain se ferme. Mais ça veut dire qu’on n’est pas aussi certains que dans six mois, dans 18 mois ou dans 24 mois qu’on aura un accès avec des règles qu’on connaît aujourd’hui. C’est ça le problème.»

Il dit craindre que cette incertitud­e affecte le Nouveau-Brunswick par la bande, en influençan­t les plans de développem­ent des entreprise­s exportatri­ces.

Si l’ALÉNA tombe à l’eau, certaines entreprise­s pourraient en effet choisir de prendre de l’expansion de l’autre côté de la frontière, aux États-Unis, où ils ne risquent pas de subir «les aléas de l’humeur des élus à Washington par rapport à d’éventuelle­s mesures à la frontière».

«Les États-Unis sont le premier partenaire du Canada et du NouveauBru­nswick. Jusqu’à l’année dernière, les États-Unis représenta­ient environ 92% des exportatio­ns du NouveauBru­nswick. Donc c’est sûr qu’à très court terme, ça va poser des problèmes (si l’ALÉNA tombe en morceaux).»

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Certains produits néo-brunswicko­is exportés aux États-Unis ne sont pas exemptés de droits. C’est le cas du bois d’oeuvre, qui est au coeur d’une guerre commercial­e entre le Canada et son voisin du sud. - Archives
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Pierre-Marcel Desjardins

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