Haïti appréhende le retour de milliers de compatriotes
Les 58 000 Haïtiens qui risquent de ne plus pouvoir rester aux États-Unis après 2019 seront forcés de rentrer au bercail, ce qui pourrait mettre une pression migratoire et économique insoutenable sur le pays le plus pauvre des Antilles.
«Ce serait une véritable crise de recevoir toutes ces personnes en Haïti. Nous portons encore les cicatrices du séisme en 2010 et de l'ouragan Matthew (survenu en octobre 2016). Le pays ne peut pas absorber ça», estime Géralda Sainville, porteparole du Groupe d'appui pour les réfugiés et rapatriés (GARR), un organisme basé à Port-au-Prince. Les dégâts laissés par la tempête sont évalués à près de 2 milliards $, ce qui représente 20% du PIB du pays.
L'administration Trump devrait faire preuve d'ouverture face à la situation qui perdure au pays, considère Mme Sainville. «L'une des principales raisons d'être du programme était humanitaire. Il faudrait évaluer si c'est encore valable pour Haïti», laisse tomber la porte-parole. Plus de la moitié de la population, soit 59% des Haïtiens, vivent sous le seul de la pauvreté avec seulement 2,41$ par jour, selon la dernière enquête auprès des ménages de la Banque mondiale.
Le pays n'a aucun plan de réintégration pour ses exilés, déplore-t-elle, en faisant référence aux rapatriés de la République dominicaine dont le permis de séjour était expiré. En 2017, plus de 46 000 ressortissants haïtiens ont été rapatriés dans des conditions souvent dégradantes: de nombreux cas de détention, de maltraitance et de destruction de documents d'identité commis par des agents de la police dominicaine ont été rapportés à la frontière.
«Beaucoup de gens nous disent qu'ils ont laissé leur emploi (en République dominicaine), leurs enfants là-bas. Ils ne veulent pas rester en Haïti et sont prêts à prendre des risques pour y retourner», affirme Mme Sainville.
Un grand nombre d'expatriés au statut temporaire, dont ceux basés aux ÉtatsUnis, sont des «migrants productifs, payeurs de taxes et des résidents respectueux de la loi depuis plusieurs années». Environ 81% d'entre eux occupent un emploi, rapporte le Centre d'études sur les migrations (Center for migration studies) de New York.
Si les ressortissants doivent revenir massivement dès 2019 en Haïti, l'économiste haïtien et professeur à l'Université Quisqueya Etzer Emile est persuadé que cette situation aurait pour effet de déséquilibrer l'économie. «Ces Haïtiens ont l'habitude de faire des transferts d'argent. Cela pourrait avoir un impact sur l'inflation et le taux de change aussi», estime l'expert.
Haïti est le deuxième plus grand bénéficiaire des transferts d'argent de la diaspora. En 2017, ce montant était évalué à 2,4 milliards $ et 60% de cette somme provenait des États-Unis, selon un récent rapport de la Banque mondiale sur les migrations et le développement.