UN DÉFIBRILLATEUR POUR LA VIE
La fin de l’année n’aura pas été de tout repos pour les parents d’Emma, 6 ans, domiciliés à Évangeline près de Caraquet. En cette période habituellement de réjouissances, Lynn Power et Jérôme-Luc Paulin ont connu l’angoisse et de grandes inquiétudes pour leur fille cadette.
À plusieurs reprises, l’école les a appelés pour les informer que leur enfant était tombée en syncope et transportée à l’urgence. Il y a aussi eu des séries d’examens et des séjours à l’hôpital.
Autant d’épreuves jusqu’à ce 17 novembre où, au Children’s Heart Centre d’Halifax, le médecin a révélé le diagnostic: Emma souffre d’une maladie cardiaque rare.
À ce stade, on ignore s’il s’agit du QT long ou du CPVT, deux acronymes incompréhensibles pourr M. et Mme Tout-le-Monde qui décrivent un grave syndrome.
«Son électricité cardiaque est irrégulière. Sa condition peut provoquer une mort subite, à tout moment», explique la mère.
«Contrairement à un infarctus, il n’y a pas de signes annonciateurs à ses malaises», précise le père.
Lynn Power l’assure, depuis la naissance de son enfant, elle était taraudée par son intuition.
«Les nuits, j’étais toujours soucieuse de savoir si elle respirait bien.»
Rien ne laissait supposer ce qui se tramait à l’intérieur de la fillette.
«Elle a toujours été débordante d’énergie, très active, très enjouée», dépeint JérômeLuc Paulin.
Elle l’est encore. À ses côtés, Emma affiche tous les attributs des enfants de son âge: la frimousse lumineuse, une légère moue et le regard pétillant. Mais l’insouciance n’est plus de mise.
«Quand on a eu le diagnostic à Halifax, ç’a été un choc. On ne pensait pas que c’était si pire, reconnaît Shannan Power, la soeur aînée. Je trouvais ça injuste. Je me demandais pourquoi elle et pas moi? Aujourd’hui, on apprend à vivre avec cette nouvelle situation. On se résout à se dire que les choses ne seront plus jamais comme avant.»
Deux fois par jour, à heure fixe, la gamine doit prendre un médicament. Il en sera ainsi toute sa vie. Les activités physiques trop intenses lui sont interdites pour éviter que son coeur ne s’emballe. Elle a dû arrêter la natation et la gymnastique, deux sports qu’elle adorait et dans lesquels elle excellait.
«C’était une nageuse prometteuse», souligne son papa. Les situations stressantes sont proscrites. «Il ne faut pas la surprendre ou chercher à lui faire peur. On ne sait pas ce qui pourrait arriver. La dernière fois que nous sommes allés au cinéma, nous nous sommes assurés que le son n’était pas trop fort», informe la maman.
Le défi des parents: trouver un équilibre entre la surprotection nécessaire et le lâcher-prise pour que leur enfant vive une jeunesse ordinaire.
S’adapter à la situation, cela a aussi signifié, pour Lynn et Jérôme-Luc, de suivre une formation aux gestes qui sauvent et de s’acheter un défibrillateur externe automatisé (DEA). Une recommandation du médecin qui les suit. En cas de malaise d’Emma, il est indispensable de réagir au plus vite.
«Nous avons commandé notre défibrillateur aussitôt après. On l’emmène partout avec nous quand on sort. Je ne joue pas avec la vie de ma fille», déclare Lynn Power.
Les parents ont dû batailler ferme pour convaincre les responsables du District scolaire francophone du Nord-Est d’équiper l’école d’Emma, à Shippagan, d’un appareil semblable au leur. L’établissement a depuis établi un plan d’urgence draconien.
La famille, quant à elle, poursuit sa route, en appréciant les bons jours et en serrant les poings et les dents pendant les mauvais.
Lynn Power confie: «Au début, on se demandait comment on allait vivre avec ça. Maintenant, on ne se pose plus la question. On vit.»
Tout simplement.