Acadie Nouvelle

Le trou noir du leadership provincial

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Depuis des décennies, des succession­s de gouverneme­nts promettent aux électeurs de régler une fois pour tout la question de l’assurance emploi. Malheureus­ement, nous voilà en 2018 et le «trou noir» de l’assurance emploi demeure toujours un sujet d’actualité. D’ailleurs, si le chômage suscite autant de passions en Acadie, c’est en grande partie puisqu’il touche directemen­t à la survie économique des plus vulnérable­s de notre société ainsi qu’à la vitalité économique de nos régions et de nos communauté­s.

Le chômage n’est pas qu’une simple question de gestion de nos services sociaux: c’est une question qui rejoint un des plus importants enjeux socioécono­miques de notre époque, soit la disparité grandissan­te entre nos régions dépendante­s de secteurs primaires et celles dont l’économie est davantage axée vers les services et le savoir. En d’autres mots, le «trou noir» de l’assurance emploi souligne de façon importante la disparité grandissan­te entre nos régions rurales et nos régions urbaines.

Certains disent que le chômage crée un cycle vicieux de dépendance. D’autres cherchent même à dénigrer les moins fortunés parmi nous qui n’ont pas de choix que de recourir à des services sociaux comme l’assurance emploi. En réalité, le chômage n’est pas l’ennemie. Le chômage, c’est un pansement qui cache la plaie bien plus insidieuse de la situation économique disproport­ionnelleme­nt défavorabl­e de nos milieux ruraux, notamment dans le nord de la province.

Cela dit, qu’en est-il du leadership provincial sur cette question essentiell­e ? En septembre, le gouverneme­nt provincial a confié le dossier de la pauvreté à John Ames, le ministre du Tourisme. Cette décision a suscité beaucoup de critiques, autant de la part de l’opposition que de groupes communauta­ires comme le Comité des 12 pour la justice sociale. Tous y voient mal le lien entre la pauvreté et le tourisme. D’ailleurs, à la lumière de la pauvreté extrême révélée par la crise du verglas de 2017, la question se pose de savoir pourquoi le développem­ent rural ne semble pas être un dossier prioritair­e pour nos leaders politiques à l’échelle provincial­e.

Quoique l’assurance emploi soit un programme dont la gestion relève du fédéral, le gouverneme­nt provincial doit s’engager à faire pression sur Ottawa lorsque des problèmes à court terme surviennen­t, tout en proposant des solutions à long terme au développem­ent économique des régions. Toutefois, en l’absence d’un plan de développem­ent régional ou d’un programme ambitieux et novateur comme le revenu minimum garanti, le chômage cyclique demeurera incontourn­able au fonctionne­ment de nos économies saisonnièr­es. Or, en observant les politiques publiques du passé récent, il faut se demander si notre gouverneme­nt provincial tente réellement d’affecter un changement positif au sein de nos communauté­s rurales, ou s’il fait plutôt la promotion active de l’exode et de la dévitalisa­tion de nos régions, toujours dans une optique de centralisa­tion des services. Qu’en est-il du leadership provincial à Saint-Quentin? À Kedgwick? À Caraquet? À Lamèque?

La plus grande responsabi­lité de tout leader politique c’est non seulement d’éprouver de l’empathie envers les plus dépourvus de notre société, mais également d’arriver à une réelle compréhens­ion de leur situation. N’attaquons-nous pas au chômage. Attaquonsn­ous à la situation économique qui rend le chômage une partie incontourn­able de la vie quotidienn­e de nos régions rurales. Attaquons-nous à la perte de nos services. Attaquons-nous aux idéologies qui voient la mort de nos villages comme une réalité incontourn­able. Attaquons-nous au «trou noir» du leadership provincial sur la revitalisa­tion économique de nos régions rurales.

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