AU GRAND ÉCRAN: UN FILM QUI MÉRITE D’ÊTRE VU
La colère engendre la colère. Ces mots, prononcés à la surprise générale, par le personnage le plus ingénu de Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri, sont pourtant les plus importants de l’oeuvre. Pourquoi? Parce qu’ils résument avec une simplicité désarmante la thèse que le réalisateur/ scénariste Martin McDonagh s’efforce de démontrer avec beaucoup de subtilité dans son oeuvre.
Gagnant du Golden Globe du meilleur film (Drame) et grand favori pour l’Oscar du meilleur film, Trois affiches tout près d’Ebbing,
Missouri raconte l’histoire de Mildred Hayes (Frances McDormand), une mère dont la fille adolescente a été violée, tuée et brûlée le long d’une route de campagne.
Un peu plus d’un an après les tristes événements, la police n’a toujours pas épinglé le ou les coupables. Frustrée, Mildred loue trois gros panneaux publicitaires près du lieu où son enfant a été tué.
Sur les panneaux, en lettre noire géante sur fond orange, Mildred interpelle directement le chef Willoughby (Woody Harrelson), lui demandant pourquoi personne n’a encore été arrêté pour le meurtre de sa fille.
Dans cette petite communauté rurale ultraconservatrice du Midwest américain, l’initiative de Mildred est très mal accueillie.
Atteint d’un cancer incurable qui le ronge beaucoup plus vite que prévu, le chef Willoughby décide de s’enlever la vie au coeur de la tourmente.
Dans l’opinion publique, Mildred et sa campagne pour obtenir la vérité seront rapidement montrées du doigt pour expliquer le suicide du chef.
Rapidement, Ebbing se transformera en véritable poudrière...
SPIRALE DE VIOLENCE
Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri est à la fois un drame, une comédie noire et le portrait d’un Midwest américain rural tout en contradictions, entre son catholicisme puritain, l’insouciance de ses habitants, son amour des armes et son racisme latent.
À l’image du temps qui passe dans ces petits bleds anonymes, le film est lent. Le réalisateur Martin McDonagh (In Bruges,
Seven Psychopaths) nous offre un opus qui a l’humour cinglant de Fargo (1996) et la violence de No Country for Old Men (2006).
Il nous entraîne dans une spirale de violence qui gagne en intensité de minute en minute. Le spectateur assiste aux événements, impuissant, se demandant de quelle ampleur sera le prochain acte de représailles.
Par moment, McDonagh nous offre une bouée de sauvetage dans ce qui est une mer de mauvais sentiments en laissant entrapercevoir un peu d’amour, de rédemption et le début de la route qui mène vers le pardon.
Un simple mirage qui démontre qu’à l’image des personnages qu’il a créés, le réalisateur est doté d’un humour noir et d’un esprit tordu.
Plus violent dans son propos que dans ses images, Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri est un film dur, qui illustre ce qu’il y a de plus mauvais dans le coeur des Hommes.
ROCKWELL BRILLANT
Puissante satire sociale, l’oeuvre se démarque d’abord et avant tout par la qualité du jeu de sa distribution.
Si vous aimez un tant soit peu le cinéma, je serais surpris que vous n’ayez pas entendu parler de la performance de Frances McDormand. Nominée pour un Oscar et gagnante d’un Golden Globe et d’un Bafta Award (l’équivalent britannique des Oscars), la vétérane est à son mieux dans le rôle d’une femme ravagée par le deuil, la culpabilité et la colère.
McDormand ne sourit à peu près pas, sauf quand elle lance ses cyniques répliques assassines.
Mais si McDormand est bonne, Sam Rockwell est encore meilleur.
Neuf ans après Moon (2009), un film qu’il avait porté sur ses épaules en entier - il était pratiquement le seul comédien de la distribution -, il nous offre la performance de sa carrière, cette fois dans un rôle secondaire.
Le Californien âgé de 50 ans est tout simplement sublime dans le rôle d’un flic écervelé, alcoolo sur les bords, violent, homophobe et raciste qui décide de se prendre (un peu) en main.
C’est cette lente et subtile transformation du personnage - on voit lentement apparaître une petite lueur dans des yeux qui étaient jusque là vides d’humanité - qui devrait permettre à Rockwell d’ajouter un Oscar à sa collection.
Oui, Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri est un film déprimant. Il mérite toutefois d’être vu, si ce n’est que pour la rapidité d’esprit de McDormand et la justesse de Rockwell. Et nous rappeler à quel point la colère peut être destructrice.