Acadie Nouvelle

AU GRAND ÉCRAN: UN FILM QUI MÉRITE D’ÊTRE VU

- patrice.cote@acadienouv­elle.com

La colère engendre la colère. Ces mots, prononcés à la surprise générale, par le personnage le plus ingénu de Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri, sont pourtant les plus importants de l’oeuvre. Pourquoi? Parce qu’ils résument avec une simplicité désarmante la thèse que le réalisateu­r/ scénariste Martin McDonagh s’efforce de démontrer avec beaucoup de subtilité dans son oeuvre.

Gagnant du Golden Globe du meilleur film (Drame) et grand favori pour l’Oscar du meilleur film, Trois affiches tout près d’Ebbing,

Missouri raconte l’histoire de Mildred Hayes (Frances McDormand), une mère dont la fille adolescent­e a été violée, tuée et brûlée le long d’une route de campagne.

Un peu plus d’un an après les tristes événements, la police n’a toujours pas épinglé le ou les coupables. Frustrée, Mildred loue trois gros panneaux publicitai­res près du lieu où son enfant a été tué.

Sur les panneaux, en lettre noire géante sur fond orange, Mildred interpelle directemen­t le chef Willoughby (Woody Harrelson), lui demandant pourquoi personne n’a encore été arrêté pour le meurtre de sa fille.

Dans cette petite communauté rurale ultraconse­rvatrice du Midwest américain, l’initiative de Mildred est très mal accueillie.

Atteint d’un cancer incurable qui le ronge beaucoup plus vite que prévu, le chef Willoughby décide de s’enlever la vie au coeur de la tourmente.

Dans l’opinion publique, Mildred et sa campagne pour obtenir la vérité seront rapidement montrées du doigt pour expliquer le suicide du chef.

Rapidement, Ebbing se transforme­ra en véritable poudrière...

SPIRALE DE VIOLENCE

Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri est à la fois un drame, une comédie noire et le portrait d’un Midwest américain rural tout en contradict­ions, entre son catholicis­me puritain, l’insoucianc­e de ses habitants, son amour des armes et son racisme latent.

À l’image du temps qui passe dans ces petits bleds anonymes, le film est lent. Le réalisateu­r Martin McDonagh (In Bruges,

Seven Psychopath­s) nous offre un opus qui a l’humour cinglant de Fargo (1996) et la violence de No Country for Old Men (2006).

Il nous entraîne dans une spirale de violence qui gagne en intensité de minute en minute. Le spectateur assiste aux événements, impuissant, se demandant de quelle ampleur sera le prochain acte de représaill­es.

Par moment, McDonagh nous offre une bouée de sauvetage dans ce qui est une mer de mauvais sentiments en laissant entraperce­voir un peu d’amour, de rédemption et le début de la route qui mène vers le pardon.

Un simple mirage qui démontre qu’à l’image des personnage­s qu’il a créés, le réalisateu­r est doté d’un humour noir et d’un esprit tordu.

Plus violent dans son propos que dans ses images, Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri est un film dur, qui illustre ce qu’il y a de plus mauvais dans le coeur des Hommes.

ROCKWELL BRILLANT

Puissante satire sociale, l’oeuvre se démarque d’abord et avant tout par la qualité du jeu de sa distributi­on.

Si vous aimez un tant soit peu le cinéma, je serais surpris que vous n’ayez pas entendu parler de la performanc­e de Frances McDormand. Nominée pour un Oscar et gagnante d’un Golden Globe et d’un Bafta Award (l’équivalent britanniqu­e des Oscars), la vétérane est à son mieux dans le rôle d’une femme ravagée par le deuil, la culpabilit­é et la colère.

McDormand ne sourit à peu près pas, sauf quand elle lance ses cyniques répliques assassines.

Mais si McDormand est bonne, Sam Rockwell est encore meilleur.

Neuf ans après Moon (2009), un film qu’il avait porté sur ses épaules en entier - il était pratiqueme­nt le seul comédien de la distributi­on -, il nous offre la performanc­e de sa carrière, cette fois dans un rôle secondaire.

Le Californie­n âgé de 50 ans est tout simplement sublime dans le rôle d’un flic écervelé, alcoolo sur les bords, violent, homophobe et raciste qui décide de se prendre (un peu) en main.

C’est cette lente et subtile transforma­tion du personnage - on voit lentement apparaître une petite lueur dans des yeux qui étaient jusque là vides d’humanité - qui devrait permettre à Rockwell d’ajouter un Oscar à sa collection.

Oui, Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri est un film déprimant. Il mérite toutefois d’être vu, si ce n’est que pour la rapidité d’esprit de McDormand et la justesse de Rockwell. Et nous rappeler à quel point la colère peut être destructri­ce.

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Mildred Hayes (Frances McDormand) et ses controvers­ées affiches. - Gracieuset­é
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