Acadie Nouvelle

Cinq ans après avoir tué sa mère, Jécy Arseneault retourne à la vie

- Vincent Pichard vincent.pichard@acadienouv­elle.com

Bien vivre avec une maladie mentale, c’est possible. Même celle qui vous conduit à commettre les pires atrocités. Jécy Arseneault, qui a tué sa mère en 2013, dans la région de Tracadie, est un exemple de résilience.

«J’ai suivi toutes les étapes de sa guérison. Il a eu beaucoup de peine à cause de ce qu’il a fait. Il doit vivre avec ça. Mais il a énormément travaillé sur lui-même. Il continue à avancer. Je suis très fière de lui.»

L’affection que voue Jécyka Arseneault à son frère Jécy transparaî­t dans ses mots, et dans le ton enjoué qu’elle adopte inconsciem­ment dès qu’elle parle de lui. Sa voix s’illumine de manière perceptibl­e.

Cela n’enlève en rien à l’horreur qui s’est produite dans la nuit du 3 au 4 mars 2013, dans la maison familiale à Saumarez. En proie à de violents troubles mentaux, Jécy Arseneault s’est introduit dans la chambre de sa mère, Kathleen, qui dormait.

À plusieurs reprises, il l’a mortelleme­nt poignardée. Le jeune homme, qui avait 29 ans à l’époque, pensait qu’elle était un dragon. Il ne le savait pas encore – pas plus que son entourage –, il souffrait de schizophré­nie paranoïde.

Jécy Arseneault a été jugé par la Cour du banc de la Reine de Bathurst, en octobre 2013, et reconnu non criminelle­ment responsabl­e, en raison de son aliénation mentale au moment des faits.

Aujourd’hui, il vit dans un foyer du secteur de Campbellto­n.

Il est toujours encadré par une équipe de médecins, travailleu­rs sociaux et employés de l’hôpital régional où il a été interné après le jugement. Mi-février, ces derniers se sont réunis, comme ils le font annuelleme­nt, pour évaluer son état.

Après le drame, celle-ci s’est appliquée à pardonner à son frère.

«Ça n’a pas été facile, il y a eu des moments difficiles. Mais une fois que je l’ai fait, c’est devenu moins pesant. Je n’ai jamais voulu le laisser tomber. Personne ne mérite d’être abandonné. Je suis maman d’un garçon. Je voulais montrer à mon enfant qu’il faut rester fort malgré les épreuves, qu’on peut tout traverser si on veut et que du bon peut ressortir du pire. Ce sont des valeurs que nous a apprises notre mère.»

Kathleen reste présente dans l’esprit des enfants Arseneault.

«On parle d’elle, mon frère et moi. On se rappelle les bons moments qu’on a eus avec elle. Au lieu de pleurer, je préfère remercier

«Ils étaient tous heureux de son évolution. Sa médication est bien gérée. Il n’a plus de symptômes de la maladie. Ils disent qu’il va pouvoir se réinsérer dans la société, travailler, avoir sa propre vie. Lui-même, c’est ce qu’il veut. Ce sont de très bonnes nouvelles. Je suis ravie», révèle Jécyka Arseneault.

Dieu de m’avoir donné une maman aussi formidable.»

Jécyka Arseneault n’a jamais douté que Jécy se remettrait. Elle ne savait pas combien de temps cela allait prendre, mais elle restait persuadée que cela arriverait. Aujourd’hui, elle a le sentiment de retrouver son frère d’avant mars 2013, blagueur et plaisant.

Il joue de la guitare, fait du sport et surveille son alimentati­on. Il a aussi le projet de reprendre ses études.

«Il aimerait suivre une formation de menuiserie-charpenter­ie. C’est un bel objectif, je trouve.»

Jécyka Arseneault rêve que son frère vienne s’installer au Québec où elle vit désormais.

«Il parle beaucoup à son neveu par visioconfé­rence. Mon fils et moi, on s’ennuie de lui», confie-t-elle.

À travers son témoignage, la mère de famille souhaite s’attaquer au tabou de la santé mentale.

«Il faut parler de ces choses-là et ne pas juger. C’est possible de s’en sortir. C’est ce que fait mon frère. Ça nécessite une force intérieure, de la confiance envers les médecins, qui savent ce qu’ils font, et du soutien.»

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Après bien des heures sombres, Jécy Arseneault sourit à nouveau à la vie. Gracieuset­é
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