Acadie Nouvelle

Cette langue qui dérange tant

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Sans surprise, les Jeux olympiques de Pyeongchan­g sont un immense succès. La Corée du Sud est présentée sous son meilleur jour et les athlètes du monde entier multiplien­t les exploits. Les scandales, la tricherie et les dépassemen­ts de coûts pharaoniqu­es de Sotchi semblent bien lointains.

Nous l’avions écrit la semaine dernière, les Jeux ont cette capacité de balayer sous le tapis pendant deux semaines les problèmes les plus gênants. La même chose était arrivée il y a 2 ans à Rio. Ce n’est qu’une fois les athlètes partis que l’avenir des éléphants blancs légués en héritage et les problèmes de pollution existants sont revenus dans l’actualité.

Du point de vue canadien, les téléspecta­teurs en ont pour leur argent. Il se passe rarement une journée sans que l’un de nos athlètes remporte une médaille.

Encore une fois, l’Acadie n’a pas envoyé d’athlète aux Olympiques d’hiver. Nos derniers représenta­nts restent Shawn Sawyer (patinage artistique), d’Edmundston, et Serge Després (bobsleigh), de Cocagne, qui ont fait le voyage à Turin en 2006.

Nous pouvons toutefois nous consoler en sachant que ce qui a peut-être été la plus grande performanc­e des Jeux trouve sa source au Nouveau-Brunswick. Le patineur de vitesse Ted-Jan Bloemen a remporté le 10 000 mètres sur longue piste, certaineme­nt l’une des épreuves les plus prestigieu­ses et les plus exigeantes de la quinzaine. Toutes les médailles n’ont pas le même poids, et celle-là est parmi celles qui pèsent le plus.

C’est la première fois que le Canada remportait une médaille dans cette épreuve. Or, Bloemen, qui a vécu presque toute sa vie aux Pays-Bas, porte la feuille d’érable sur son uniforme grâce à son père, un citoyen canadien originaire de Bathurst.

Il aura fallu un incident à caractère linguistiq­ue pour mettre fin temporaire­ment à la «magie» olympique, du moins chez les francophon­es du Canada.

Vous connaissez l’histoire. Un dirigeant de Hockey Canada a exigé que l’annonceur maison des rencontres olympiques à l’aréna de Gangneung, un Québécois, prononce certains noms d’origine latine avec un accent anglophone. L’affaire a fait un brouhaha, en particulie­r au Québec, mais aussi à Ottawa.

Le véritable scandale ne réside toutefois pas dans cette demande.

Après tout, si Derek Roy, qui est francoonta­rien et qui parle aussi bien la langue de Molière que vous ou moi exige que son nom de famille soit prononcé plutôt qu’à la française, bien lui en fasse. Il ne sera pas le premier à vouloir se fondre dans la masse anglophone.

C’est plutôt la rapidité - certains diront le zèle - de Hockey Canada à vouloir s’attarder à ce «problème» qui est préoccupan­t. Il y a deux poids, deux mesures. En effet, vous devinerez que bien des noms francophon­es ont été anglicisés dans les compétitio­ns internatio­nales au cours des années, sans qu’un seul bonze de Hockey Canada n’y trouve à redire.

C’est seulement quand un nom est prononcé à la française que cela chatouille les oreilles de ces augustes messieurs.

Tout cela est d’autant plus déplorable que le président de Hockey Canada est originaire du Nouveau-Brunswick. L’Acadie Nouvelle vous l’a présenté il y a une dizaine de jours. Il s’agit de Scott Smith, natif de Bathurst.

N’attendez toutefois rien de lui ou de quiconque dans cette organisati­on sur le front linguistiq­ue. C’est dans les habitudes de la maison. Les hauts cris de la ministre fédérale Mélanie Joly ou du gouverneme­nt du Québec n’y changeront rien.

Au Canada, les sports olympiques se pratiquent dans les deux langues officielle­s, mais sont surtout gérés en anglais. Cela s’explique par le fait que la majorité des fédération­s nationales sportives (dont Hockey Canada) sont basées à Calgary.

Le français est constammen­t relégué au second plan, ce qui provoque parfois des controvers­es. Souvenez-vous des cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques de Vancouver de 2010. Le français avait été presque complèteme­nt évacué. Un exemple parmi tant d’autres: des poèmes emblématiq­ues avaient été lus par des personnali­tés connues. Ceux écrits originalem­ent en français avaient été traduits et récités en anglais pour l’occasion.

Par ailleurs, les athlètes affrontent les meilleurs de leur discipline partout dans le monde. La langue commune est l’anglais, ce qui influence nos athlètes.

Des héros olympiques comme Charles Hamelin ou Mikaël Kingsbury sont de fréquents utilisateu­rs de Twitter. Ils écrivent presque uniquement en anglais.

Qu’on se le dise, les athlètes canadiens sont une source exceptionn­elle d’inspiratio­n pour notre jeunesse, tant en Acadie qu’ailleurs au Canada. Mais cela se fait en anglais, même si le français est officielle­ment l’une des deux langues officielle­s du mouvement olympique.

Cela n’empêche pas des organismes comme Hockey Canada de trouver que la langue de Gaétan Boucher et de Pierre Harvey prend encore trop de place. Et ils ne se gênent pas pour nous le faire savoir.

Le français n’a pas fini d’être bafoué. En ce sens, le Nouveau-Brunswick et les Jeux olympiques ont plus en commun qu’on ne pourrait le croire.

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