Pauvreté: une analyse
Moncton Soeur Auréa Cormier
Qu’est-ce qui plonge tant de personnes du Nouveau-Brunswick dans la pauvreté? Les observations faites sur le terrain par les défenseurs des pauvres en arrivent à identifier trois causes majeures: le manque d’argent résultant de l’inégalité entre riches et pauvres, l’inaptitude physique ou mentale et le manque de soutien des proches ou du milieu.
La Déclaration des droits de la personne indique que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. Pour bénéficier des droits, les moyens financiers sont un incontournable. Qu’une personne à la fin du mois n’arrive pas à payer ses besoins essentiels, c’est une entrave à cette déclaration. Les droits de la personne sont violés quand elles ne peuvent payer leur loyer, leur électricité, leur nourriture, leurs médicaments, etc.
Quelle est la principale cause de cette tragédie? C’est que le gouvernement ne verse pas assez d’argent pour combler les besoins des personnes en situation de pauvreté. En réalité, une distribution inégale de la richesse découle de décisions politiques. Selon l’économiste Davis MacDonald du Centre canadien de politiques alternatives, en 2016 les 100 présidents-directeurs généraux canadiens les mieux payés gagnaient en moyenne 10,4 millions $ par an, comparativement au salaire annuel moyen de 49 738$. Cette inégalité correspond à un rapport de plus de 200 pour 1. Une telle inégalité est inacceptable. Au N.-B., un assisté social apte au travail ne reçoit que 6444$ par an (+576$ en crédit de TVH). Son taux d’assistance n’a pas changé depuis octobre 2013. Soulignons que l’assistance sociale est seulement accordée après que toutes les autres sortes de revenus sont épuisées. Si la personne obtient un emploi à temps partiel, elle ne peut conserver que les premiers 200$ gagnés et 30% du reste de son salaire. Ce règlement a comme conséquence d’engendrer le découragement.
Quelle est la solution? Le gouvernement du N.-B. doit se donner les moyens financiers d’améliorer les prestations d’aide sociale. Pour y arriver, il doit apporter des changements au système de taxation et hausser les impôts. Cependant, il n’ose pas les hausser aux biens nantis. Pourtant, la justice fiscale exige de redistribuer équitablement la richesse et de rencontrer les droits économiques et sociaux demandés par les Nations Unies. Pour diminuer l’inégalité, c’est le moyen à prendre. Depuis les années 1990, les transferts fédéraux à l’aide sociale et au niveau d’assistance provenant de l’assurance emploi ont considérablement baissé. La province, au lieu d’accepter d’être au dernier rang en termes de l’aide versée aux moins nantis, devrait exiger de plus généreux transferts fédéraux, et en plus, hausser progressivement les impôts des gens ayant des revenus supérieurs.
Malheureusement, les gouvernements reçoivent des louanges en prônant de baisses d’impôt. Pourtant, de nombreux services ne sont possibles qu’à partir des impôts: éducation gratuite dans la plupart des cas, soins de santé, protection du système de justice, construction et entretien des routes, soutien accordé aux personnes âgées et aux personnes vulnérables, etc. Dans le budget provincial de 2018-2019, près de 64 milliards $ sont prévus pour les services cités plus haut. Chaque personne du N.-B. bénéficie donc de milliers de dollars gratuits en services. Pour que la population puisse profiter d’un niveau de vie décent, il faut absolument des hausses progressives de taxes. En payant plus d’impôts, les plus riches contribueront ainsi à réduire l’inégalité des revenus.
Une autre cause de la pauvreté provient souvent de l’inaptitude à travailler à cause de handicap physique ou de limites psychologiques. Cela entraîne de nombreux préjugés à l’égard des personnes en situation de pauvreté. L’organisme Rebranché, opéré par le YMCA de Moncton, reçoit chaque mois de 500 à 550 pauvres dans son lieu d’accueil. La majorité est inapte au travail. Cet organisme note les causes de pauvreté de ses clients et en dresse la liste: • problèmes sur le plan de la santé mentale: longue liste d’attente pour des services psychologiques, et conséquemment, le recours à l’automédication et ses répercussions néfastes; • dépendance aux drogues et à l’alcool, vu leur accès facile même dès l’adolescence; • casier judiciaire stigmatisant: beaucoup d’employeurs ont une politique de non-embauche d’ex-détenus; • manque d’emploi local correspondant à leur formation ou leur niveau d’éducation; • difficulté à se déplacer pour accéder aux
services, particulièrement les personnes ayant un handicap physique et les personnes âgées. En plus de l’argent, d’une bonne santé physique ou psychologique, il faut avoir un système de soutien pour se sortir de la pauvreté: accès à des amis, à des membres de sa famille ou à des personnes pouvant dépanner en cas d’urgence. Les femmes monoparentales et les autochtones figurent parmi les personnes les plus pauvres. Les sortir de la misère requiert souvent l’appui de quelqu’un. Dans bien des cas, il faut des personnes aidantes: un proche, une enseignante ou un enseignant, des personnes qui font confiance. Elles les inviter à considérer d’autres options pour se prendre en main et elles allument un désir d’autosuffisance. Pour les personnes dépendantes de l’alcool, par exemple, la clé de réussite est un climat d’accueil et de solidarité entre membres. Sans système de soutien, une personne risque l’exclusion sociale, une autre cause de pauvreté. À cause de préjugés, certains individus sont marginalisés et ne peuvent participer pleinement à la vie économique, sociale et politique de leur communauté.
Pour pallier le manque de financement gouvernemental, d’encadrement de personnes ayant besoin d’encouragement, de limites physiques ou psychologiques, bien des individus et des organismes interviennent, prennent la relève et s’engagent à réduire la pauvreté. Ces personnes et ses groupes d’entraide dépannent les gens que le filet social a laissé tomber entre les craques. Grâce à leur entraide et à leurs interventions, l’espoir renaît chez certaines personnes. L’éradication de la pauvreté doit être considérée comme l’affaire de toutes et de tous.