Que reste-t-il de la réforme fiscale Morneau?
La réforme fiscale proposée l’année dernière par Bill Morneau avait été accueillie par une levée de boucliers. Depuis, elle a subi de nombreux changements et n’a plus du tout le même visage. Qu’en reste-t-il au juste?
Le ministre Morneau avait jeté un pavé dans la marre, en juillet 2017, en proposant une série de changements pour que «chacun paie sa juste part» au Canada.
Il voulait notamment mettre un frein à l’utilisation de certaines méthodes de planification fiscale tout à fait légales (mais qualifiées d’injustes par Ottawa) qui permettent à des entrepreneurs et à des professionnels dotés de revenus élevés de payer moins d’impôts.
Depuis, la grogne a monté, des consultations ont été menées et plusieurs changements ont été annoncés, tellement qu’on peine à s’y retrouver. Voici donc un survol de l’état de la réforme à l’heure actuelle.
La première mouture de la réforme Morneau visait à mettre en échec les placements passifs, une échappatoire fiscale qui permet d’accumuler de l’argent dans une société (et donc de payer moins d’impôts) sans pour autant que cet argent serve à la faire croître.
Ce pilier de la réforme avait été particulièrement controversé parce qu’il s’en prenait à un outil utilisé par de nombreux professionnels et entrepreneurs pour se monter un fonds de retraite, pour financer un congé de maternité (ou de maladie) ou pour se préparer à faire face à des années difficiles.
En octobre dernier, Bill Morneau a plié. Il a alors annoncé qu’un taux avantageux allait continuer à s’appliquer aux premiers 50 000$ de revenus générés annuellement par des placements passifs. Concrètement, cela permet aux entrepreneurs de se monter une réserve de 1 000 000$ (avec un rendement de 5% par année) sans être pénalisés.
Les détails techniques ont été annoncés mardi dernier dans le budget fédéral 2018-2019. En gros, au-delà du seuil de 50 000$ par année, le montant de revenu admissible au taux d’imposition des PME sera réduit progressivement.
Cet outil permet à des propriétaires de sociétés privées de répartir leurs revenus au sein de leur famille, plus précisément aux membres qui gagnent moins (et dont les revenus sont donc moins taxés), afin de payer moins d’impôts.
La première version de la réforme prévoyait serrer la vis à ceux qui reçoivent un salaire déraisonnable pour leur contribution à l’entreprise. En décembre, face à la grogne, le ministre des Finances a mis de l’eau dans son vin et annoncé une simplification des critères.
Par exemple, pour que la contribution d’un adulte de 18 ans ou plus soit considérée comme «importante» (et qu’il ne soit pas pénalisé), il doit désormais travailler au moins 20 heures par semaine en moyenne au sein de l’entreprise.
Le troisième pilier de la réforme Morneau visait à freiner la conversion de surplus de sociétés en gains en capital (puisqu’ils sont imposés à un taux inférieur). Il a été abandonné en octobre dernier par le gouvernement fédéral.
La proposition de mettre la hache dans l’exonération cumulative des gains en capital –qui permet de multiplier, grâce à une fiducie familiale, les sommes libres d’impôts en cas de vente d’une entreprise– a elle aussi été abandonnée.