Acadie Nouvelle

La vulnérabil­ité du marcheur

- North Tetagouche Mathieu Guénette

Je suis un randonneur. En bottes de marche, en raquette, en ski de fond ou en vélo, j’aime arpenter les sentiers forestiers, escalader des montagnes, longer les côtes. La nature me fait vibrer et j’ai besoin de m’en imprégner aussi souvent que possible.

Plusieurs sentiers non motorisés se développen­t dans la région Chaleur depuis quelques années et je m’en réjouis. La nature ici est immense, généreuse et mérite d’être dévoilée.

Les gens de Bathurst sont chanceux. De Parkwood à la rue St-Anne, un grand parc, situé dans les limites de la ville, a été créé et développé. Les gens peuvent, de leur quartier, parfois même de leur terrain, effectuer des randonnées dans des sentiers balisés, entretenus. On y compte de nombreux points d’accès et pour qui vit directemen­t en ville, il fait bon y apporter ses enfants pour les initier à la pratique de saines activités physiques de façon sécuritair­e.

J’ai appris qu’on avait suggéré de faire traverser un sentier de motoneige dans ce parc, afin d’accommoder les motoneigis­tes. J’ai le regret d’être contre le projet.

Le randonneur recherche un contact étroit avec la nature. Il veut la voir, la sentir, la toucher et l’entendre. Sa vitesse réduite le lui permet aisément. Pour beaucoup de randonneur­s, cette communion avec la nature permet d’apaiser les tensions engendrées par la vie quotidienn­e. Les sports non motorisés sont également une très bonne façon de se mettre en forme physiqueme­nt. Chacun peut y aller son rythme.

En tant que randonneur pédestre, ce que j’aime en sentier c’est la quasi-certitude de ne pas y être dérangé et de pouvoir profiter du moment. Bien que très stimulante­s à conduire, les différente­s machines de loisir présentent toutes les mêmes irritants qui peuvent gâcher l’expérience du randonneur non motorisé. Elles sont bruyantes, rapides, peuvent endommager l’intégrité physique des lieux et dégagent dans certains cas une forte odeur d’essence.

La concurrenc­e entre les deux types de randonneur­s est malheureus­ement déloyale. Les véhicules de loisir sont rapides et peuvent aller presque partout où le peut le randonneur non motorisé. Alors qu’une personne sur une machine peut rapidement choisir d’aller ailleurs s’il n’aime pas la compagnie qu’on lui impose, le randonneur met beaucoup de temps à évacuer un endroit qui serait occupé par des gens montés sur un moteur. Si le sentier est mixte, il doit accepter cet état de fait, mais si le sentier est exclu aux machines et que le randonneur se retrouve quand même entouré d’engins mécaniques, cela peut devenir très frustrant, parce qu’il est d’une certaine façon coincé. Lorsque l’on marche à un maximum de 4 km/h, il est difficile de compétitio­nner avec des machines qui peuvent atteindre plus de 100 km/h. L’on en conviendra tous.

Les engins motorisés peuvent également présenter quelques dangers sur le plan de la sécurité. Ces machines sont plus rapides que jamais et même si la majorité des usagers sont respectueu­x et raisonnabl­es, une certaine frange, malheureus­ement, semble faire fi de toute prudence et de tout respect vis-à-vis de leurs semblables. Nier cette réalité, dans une région où la culture du moteur est aussi importante qu’ici relèverait de la mauvaise foi. J’ai dû personnell­ement m’écarter rapidement de sentiers pour laisser passer des motoneiges, des VTT ou des motos qui passaient à vive allure un nombre incalculab­le de fois. Dans certains cas, ces gens poussaient même l’injure jusqu’à accélérer pour m’humilier. C’est très frustrant, enrageant même. Debout sur nos petites jambes, nous ne faisons pas le poids devant une machine de quelques centaines de kilos pilotée par une personne casquée dont il nous est impossible de voir le visage. Imaginez maintenant lorsque le même type d’expérience arrive alors que nous sommes accompagné­s par nos enfants.

Il y a encore très peu de sentiers exclusivem­ent non motorisés au NouveauBru­nswick alors que les sentiers motorisés sont bien établis, bien financés et bien encadrés. À titre d’exemple, la fédération des clubs de motoneige du NouveauBru­nswick compte plus de 8000 km de sentiers. Je crois donc que, les motoneigis­tes sont capables d’y trouver leur compte sans devoir empiéter sur les trop rares sentiers non motorisés. Ces sentiers sont souvent beaucoup plus précaires, moins financés et déjà moins connectés les uns les autres. Je trouverais injuste qu’on les fragilise encore davantage en ne tenant pas compte des besoins particulie­rs des gens qui choisissen­t leurs jambes pour seul moteur.

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