Acadie Nouvelle

Washington: la présidence en pleine dérive?

- Julie Pace, Zeke Miller et Jonathan Lemire

Après deux semaines de messages confus, de départs et de querelles acrimonieu­ses entre le président et son entourage, la garde rapprochée sur qui Donald Trump peut s’appuyer est de plus en plus restreinte et son entourage ne croit plus à un hypothétiq­ue redémarrag­e de sa présidence.

Même dans le contexte d’une administra­tion Trump où le chaos est devenu la norme, l’annonce du départ de la directrice des communicat­ions Hope Hicks au cours des derniers jours a porté l’anxiété à un nouveau niveau. Des disputes qui couvaient depuis que la Maison-Blanche a complèteme­nt bâclé la gestion d’allégation­s de violence conjugale contre un conseiller de premier plan, le mois dernier, ont finalement éclaté au grand jour.

Mme Hicks, une des conseillèr­es les plus expériment­ées et les plus fidèles de M. Trump, servait souvent de tampon humain entre ce président imprévisib­le et le gouverneme­nt. Un dirigeant a dit que son départ aura le même impact que celui d’un chef de cabinet - ce qu’on ne peut plus exclure, en passant, compte tenu des doutes qui entourent maintenant la performanc­e de John Kelly.

Mme Hicks quitte aussi au moment où le procureur spécial Robert Mueller s’intéresse de plus en plus près à la Maison-Blanche: ses enquêteurs ont commencé à poser des questions concernant les affaires brassées par le président avant son élection et ses agissement­s depuis qu’il est en poste.

Jared Kushner, le gendre du président et un de ses principaux conseiller­s, a été affaibli quand on lui a retiré le droit de consulter les documents «top secret», dans la foulée d’allégation de conflit d’intérêts.

Une quinzaine de membres de l’entourage du président, d’employés du gouverneme­nt et d’observateu­rs interrogés par l’Associated Press se demandent maintenant, sous le couvert de l’anonymat, comment ce président explosif réagira au départ de Mme Hicks et à la rétrograda­tion de son gendre.

Exception faite de M. Kushner et de sa femme, la fille du président Ivanka Trump, ceux qui travaillen­t maintenant à la MaisonBlan­che ne faisaient pour la plupart pas partie de la campagne présidenti­elle de M. Trump.

On a rarement vu un président de l’ère moderne affronter autant de crises en même temps. Après 13 mois au pouvoir, rares sont ceux qui croient que M. Trump sera en mesure de reprendre le contrôle du navire ou d’attirer des gens de qualité dans son entourage. Des élus républicai­ns qui voient arriver avec inquiétude les élections de mi-mandat en novembre ne se gênent plus pour exprimer leurs frustratio­ns publiqueme­nt.

«Il n’y a pas de procédure normale d’exploitati­on avec cette administra­tion, a dit John Thune, un sénateur du Dakota du Sud. Chaque journée est une nouvelle aventure pour nous.»

DÉCISIONS VISCÉRALES

L’annonce de tarifs sur l’acier et l’aluminium il y a quelques jours illustre parfaiteme­nt les propos de M. Thune: l’entourage du président a apparemmen­t tout tenté pour le décourager d’y aller d’une annonce dont les détails n’avaient pas encore été peaufinés, et même John Kelly ne savait rien des intentions du président.

Ils croyaient bien y être parvenus, jusqu’à ce que M. Trump convoque les journalist­es pour leur annoncer que les États-Unis prélèverai­ent dorénavant une surtaxe de 10% sur les importatio­ns d’aluminium et de 25% sur celles d’acier. Les partisans populistes de M. Trump ont applaudi sa décision; les marchés, en revanche, ont plongé, et des poids lourds comme l’Union européenne envisagent maintenant des représaill­es.

Les départs ne sont probableme­nt pas finis. La chaîne NBC rapportait jeudi que la Maison-Blanche pourrait remplacer le conseiller à la sécurité nationale, le général H.R. McMaster, dès le mois prochain. Un porte-parole ne l’a pas nié, déclarant simplement qu’il n’y a rien à annoncer «pour le moment».

Pour ceux qui sont encore en poste, la tourmente est sans fin. Il y a moins de deux semaines, le général Kelly, qui a pourtant été recruté pour mettre de l’ordre à la MaisonBlan­che, s’est retrouvé sur la corde raide pour sa gestion des allégation­s de violence conjugale à l’endroit de Rob Porter.

M. Trump a apparemmen­t été grandement irrité par la couverture médiatique négative du leadership de M. Kelly et aurait envisagé de le remercier. La fusillade dans une école secondaire de la Floride a ensuite détourné les yeux ailleurs et la position du chef de cabinet se serait maintenant quelque peu stabilisée.

Des tensions importante­s persistera­ient entre MM. Kelly et Kushner, et la décision du premier d’abaisser la cote de sécurité du deuxième ne fera rien pour améliorer leurs relations. M. Kushner et sa femme soupçonnen­t M. Kelly de vouloir restreindr­e leur accès au président et ils interprète­nt sa décision comme une attaque directe contre eux.

M. Kelly, de son côté, est de plus en plus frustré par le côté «improvisé» du couple: il les accuse de faire changer le président d’idée à la dernière minute et se demande même ce qu’ils font toute la journée, selon deux sources.

M. Kusher et Mme Trump répètent qu’ils n’ont aucune intention de quitter la MaisonBlan­che.

M. Kelly a en revanche laissé transparaî­tre une partie du fardeau qu’il porte.

«La dernière chose que je voulais était de délaisser un des plus grands honneurs de ma vie, celui d’être secrétaire de la Sécurité intérieure, a-t-il lors des célébratio­ns du 15e anniversai­re de l’agence, à Washington. Mais j’ai fait quelque chose de mal et j’imagine que Dieu a choisi de me punir.»

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Donald Trump a surpris même ses conseiller­s jeudi en annonçant les tarifs sur l’acier et l’aluminium. – Associated Press: Evan Vucci

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