Le feuilleton de la Maison-Blanche
Étrange méli-mélo de nouvelles politiques en provenance des ÉtatsUnis. Surtout celles qui touchent à leur président, le bonhomme Trump.
Entre son déni de l’ingérence russe lors des élections et ses pirouettes sur les mesures de contrôle des armes à feu, il a trouvé le temps de bluffer le monde entier en acceptant une rencontre au sommet avec l’extraterrestre coréen Kim Jung-un.
Son imposition capricieuse de tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier a ameuté le Canada, épargné pour le moment. Mais les discussions trilatérales au sujet de l’Accord de libre-échange nordaméricain pourraient nous réserver des surprises désagréables. Souhaitons qu’entre deux changements de costumes, notre premier ministre trouve le moyen de rester droit dans ses bottes libérales.
Surtout que Trump, ambivalent quant à l’efficacité de l’ALENA, menace d’y mettre fin d’un claquement de doigt. Une autre affaire à suivre.
Et que dire de sa vision protectionniste de l’économie, critiquée autant par les Républicains au Congrès américain que par l’intelligentsia politique européenne à Bruxelles, au grand plaisir de la Chine qui en profite pour renflouer son carnet de commandes auprès de ses tinamis mondialistes!
Ce qui sauve présentement Trump, du moins chez ses partisans, c’est entre autres que l’économie américaine se porte bien. Il n’en est pas le seul responsable, mais il n’hésitera pas à en prendre tout le crédit.
Décidément, Trump EST l’éléphant dans le magasin de porcelaine!
En réalité, c’est un véritable roman-savon qui a pris l’affiche à la Maison-Blanche il y a un an.
D’ailleurs, le prochain épisode est déjà commencé puisque j’apprends à l’instant que le Secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, ancien puissant PDG d’Exxon Mobil, vient d’être mis à la porte, comme tant d’autres de la première fournée de collaborateurs de Trump.
On se souviendra que Tillerson a souvent pris des distances avec les déclarations tortueuses de Trump en matière de politique internationale, car ce dernier, toujours trop heureux d’afficher son ignorance abyssale des choses de la planète, n’avait cure de ce que pouvait croire et penser un Secrétaire d’État qui, dans un éclair de fulgurance psychanalytique, l’avait déjà traité d’idiot.
Pour ajouter une touche encore plus surréaliste à ce feuilleton, j’aperçois maintenant Trump à la télé nous informant qu’il n’avait pas encore parlé à Tillerson au sujet de son renvoi, mais que ce congédiement était dû fondamentalement au fait qu’ils n’étaient pas sur la même longueur d’ondes.
Oui, quand on sait vivre, c’est comme ça qu’on congédie un ministre!
Voilà un autre départ qui survient à un moment crucial, alors que toutes les simagrées nécessaires pour assurer l’éventuel Sommet des Crackpots, possiblement en mai prochain, sont à être négociées, et qu’à Londres, la première ministre Theresa May met sévèrement en garde la Russie soupçonnée de complicité dans l’empoisonnement d’un ex-agent double russe et de sa fille, réfugiés en Grande-Bretagne.
Qu’à cela ne tienne! Tel un prestidigitateur chevronné, pour remplacer Tillerson, Trump a déjà sorti un lapin de son chapeau: Mike Pompeo, qu’il avait déjà nommé à la tête de la CIA à son arrivée au pouvoir.
Mais Pompeo n’est pas un gentil lapin de peluche. Représentant d’une droite radicale au Congrès pendant des années, il est, à l’instar de Trump et contrairement à Tillerson, férocement contre l’accord sur le nucléaire iranien signé par l’ancien président Obama et consorts avec l’Iran.
Pompeo s’est aussi montré favorable au notoire simulacre de noyade – le cruel waterboarding –, assimilé à un acte de torture, sur les prisonniers de Guantanamo. J’ai lu, incrédule, qu’il aurait aussi déclaré, lors d’une visite, que certains des prisonniers ayant entamé une grève de la faim semblaient avoir pris du poids…
Bref, devant l’empereur nu, ce va-t’enguerre est celui qui le trouve le mieux habillé!
Pour le croustillant, ne manquait plus au feuilleton de la Maison-Blanche que l’arrivée impromptue d’une hétaïre pelliculaire, autrement dit une actrice porno, auréolée de son passé olé olé, qui soutient mordicus avoir… comment dire… avoir batifolé avec ce président à la coiffure défiant toute logique esthétique.
Depuis qu’on a révélé qu’elle aurait reçu, juste avant l’élection présidentielle, une rondelette somme pour garder silence sur cette escapade libidineuse alléguée, l’ambiance hollywoodienne de la vie politique américaine s’est intensifiée.
Perso, depuis des mois, je suis devenu accroc à ce feuilleton que je suis tous les jours à la télé américaine. On y retrouve du roman-savon, certes, mais aussi de la téléréalité, de la politique fiction, un soupçon de realpolitik, de l’espionnage, de la trahison, de la fausse information, le tout présenté dans un embobelinage de publicités contre la constipation, la diarrhée, les nausées, l’incontinence urinaire et la dysfonction érectile. Un pur délice!
Les divers épisodes mettent en scène des archétypes humains: le pharisien, le magouilleur, l’hystérique, la victime, le menteur, le tyran, le pleutre, le richissime, et
tutti quanti. Et c’est cette constellation ubuesque que vient de rejoindre l’hétaïre grimée.
Nul doute que les prochains épisodes vont aussi nous tenir en haleine. Pop-corn, que’qu’un?
Ce qui se passe aux États-Unis depuis deux ans marquera l’histoire. Pas seulement celle de ce grand pays, mais celle de la planète. Il est impensable qu’une telle bouffonnerie politique, de la part d’un pays si enclin à protéger la liberté et la vie privée, au nom de principes qui vont du puritanisme le plus pur au capitalisme le plus dur, puisse aboutir à quelque chose de positif pour l’humanité.
Ce n’est pas être alarmiste que de le redire. C’est être lucide!
Quand j’entends des gens affirmer qu’ils se fichent de ce qui se passe de l’autre côté de notre frontière, la plus grande du monde entre deux pays, je tremble pour eux, et pour nous tous.
C’est oublier trop facilement l’effet d’entraînement qui bouscule les pièces de l’échiquier politique mondial. Si les ÉtatsUnis, avec leur puissante armature électorale démocratique, peuvent en arriver à élire un personnage que même les caricaturistes les plus délirants n’auraient su imaginer, que dire du reste de la planète où pullulent, piaffant d’impatience, les dictateurs en puissance?
Le destin de l’humanité mijote dans une inconscience collective terrible. Prions! Han, Madame?