Le courage de marcher pour nos vies
Des centaines de milliers de personnes - certains parlent de plus d’un million - ont marché à Washington contre les armes à feu samedi. Ce mouvement est important. Comme presque tout ce qui se passe aux États-Unis, cela pourrait avoir des effets de ce côté de la frontière. La folie des armes à feu fait des envieux au Canada et jusqu’ici en Acadie.
Pour plusieurs, le combat contre les armes à feu aux États-Unis est officiellement devenu une cause désespérée depuis décembre 2012, quand une fusillade dans une école primaire du Connecticut a coûté la vie à 27 personnes, y compris 20 très jeunes enfants.
Des milliers d’autres fusillades ont eu lieu depuis. Des lieux touristiques, des églises, un bar gai, des cinémas, des établissements d’enseignement et combien d’autres endroits ont tour à tour été touchés. Pourtant, il est toujours aussi facile d’acheter des armes à feu au pays de l’Oncle Sam. Les décideurs restent encore et toujours dans le déni malgré l’horreur.
Le vent a peut-être tourné le 14 février dans une école de Floride, quand 14 élèves et trois professeurs ont été tués dans une nouvelle fusillade. Exaspérés par les tueries en milieu scolaire, des jeunes survivants ont pris la parole afin de dénoncer cette folie.
Le tout a culminé en fin de semaine, avec March For Our Lives (La marche pour nos vies). On a beaucoup parlé de la manifestation de Washington (de loin la plus importante), mais plus de 800 rassemblements ont eu lieu aussi partout dans ce pays et même au Canada.
C’est beau de voir cette nouvelle génération, qui n’a pas encore été achetée par le puissant lobby de la National Rifle Association, crier haut et fort que la sécurité dans les écoles passe par un durcissement du contrôle des armes.
Réussiront-ils à provoquer des changements dans les lois et dans les mentalités?
Ça reste à voir. Ils auraient beau avoir été 100 millions dans les rues de la capitale américaine, cela pèserait bien peu face à des sénateurs et des représentants qui reçoivent des millions de dollars de la NRA pour financer leurs campagnes électorales.
Nous ne pouvons qu’espérer que les jeunes réussiront l’impossible. Pourquoi? Parce que ce qui se produit aux États-Unis finit trop souvent par influencer le Canada.
Le droit de porter une arme à feu n’est pas protégé par la constitution canadienne, comme c’est le cas aux États-Unis. Néanmoins, pour plusieurs, c’est tout comme. Ils sont nombreux à rêver que les lois américaines laxistes sur le contrôle des armes à feu soient importées au nord du 49e parallèle.
Peu avant sa défaite électorale de 2015, le premier ministre Stephen Harper a revu la classification d’armes comme la CZ-858, qui a été utilisée l’an dernier lors de la tuerie de la grande mosquée de Québec. Elles sont passées du statut d’armes prohibées à armes à autorisation restreinte ou même, dans certains cas, à sans restriction. Nous parlons ici de machines à tuer qui n’ont rien en commun avec une carabine utilisée pour la chasse à l’orignal.
Au cours de cette campagne électorale, Justin Trudeau, qui n’a pourtant pas le profil d’un amoureux des armes à feu, a déclaré que la possession de celles-ci «fait partie de l’identité canadienne».
Malheureusement, il n’y a pas que les politiciens qui sont influencés par ce qui se passe aux États-Unis. Le tueur de policiers de Moncton avait justifié ses actes, après la fusillade de 2014, par une haine des autorités qui rappelle celle que l’on retrouve dans certains groupes et milices aux États-Unis.
Il existe aussi des jeunes qui, peut-être inspirés par les massacres à répétition aux États-Unis, songent à leur tour à commettre l’irréparable.
On ignore si c’est ce qui est survenu à Bathurst la semaine dernière. La police a arrêté trois jeunes qui avaient publié des photos avec un arsenal de guerre. Avaient-ils l’intention de réaliser un massacre? Impossible de le savoir, les policiers n’ayant donné que très peu d’informations. Reste qu’ils étaient inquiets au point d’ordonner la mise en confinement des écoles francophones de la région. Ce n’est pas rien.
La possession d’armes quasi militaires, de fusils semi-automatique et autres armes d’assaut conçues pour tuer des êtres humains devrait être interdite au Canada. Personne ne devrait avoir le droit de se procurer un fusil avant l’âge de 21 ans. Et les contrôles et vérifications devraient être renforcés, non affaiblis.
La sécurité de nos enfants passe à long terme par une réduction du nombre d’armes en circulation, pas seulement par des codes rouges en cas de menaces. Souhaitons que le message des jeunes de Parkland se fasse entendre jusque dans nos foyers.