Racisme ou non, l’U de M doit agir
Incidents isolés ou racisme systémique? De récents événements survenus à l’Université de Moncton placent l’établissement dans l’embarras. La pire chose à faire serait de balayer tout ça sous le tapis en attendant que la tempête passe.
Des étudiants en science infirmière disent être victimes de discrimination raciale à l’Université de Moncton. Ils se feraient imposer des cas plus complexes et une surcharge de travail au cours de leurs stages en milieu hospitalier comparativement à ce que vivent leurs collègues blancs.
Des responsables de stage racistes qui font exprès pour pousser les étudiants noirs à l’échec? Cela semble trop énorme pour être vrai. C’est pourtant le témoignage qu’a livré l’un d’entre eux dans les pages de l’Acadie Nouvelle, mercredi.
Nous ne parlons pas d’une déclaration effectuée sous le coup de l’émotion après une mauvaise journée à l’hôpital. Ces propos ont l’appui du professeur de sociologie Leyla Sall, qui a levé le voile sur cette problématique en réalisant une étude portant sur l’immigration francophone au Nouveau-Brunswick. En effectuant ses recherches, il a découvert qu’il y a de la discrimination raciale à l’université, particulièrement en science infirmière.
Avant de tout balayer du revers de la main, il est important de préciser que ce n’est pas la première fois que des allégations de racisme sont portées contre l’Université de Moncton ou ses employés.
Il y a deux ans presque jour pour jour, un vice-doyen avait dénoncé des incidents qui avaient soulevé son indignation. Gérard Fillion avait cité les propos d’une professeure qui soutenait qu’il y a trop d’étudiants noirs à la Faculté d’administration. Celle-ci compte 50% d’étudiants internationaux.
La direction avait indiqué prendre les allégations au sérieux. D’ailleurs, une commissaire indépendant est en poste depuis février afin de recevoir les plaintes des membres de la communauté universitaire qui se disent victimes de discrimination, raciale ou autre.
L’Université de Moncton est l’endroit le plus diversifié en Acadie. Nulle part ailleurs dans les régions francophones ne trouve-t-on une telle concentration de nationalités et de cultures différentes. Plus ou moins un étudiant sur cinq provient d’un autre pays que le Canada.
Sans cet apport et en tenant compte de la décroissance de la population acadienne, c’est la survie même de l’institution qui serait en jeu si elle redevenait homogène du jour au lendemain.
Pour cela, mais aussi pour des raisons de justice et d’humanité, l’Université de Moncton a le devoir d’aller au fond des choses. Y a-t-il réellement du racisme à l’École de science infirmière? Un étudiant noir fait-il face à plus d’obstacles qu’un étudiant blanc pour obtenir son diplôme et réaliser son rêve? La direction de l’U de M doit impérativement se donner les moyens de répondre à ces questions.
Il est possible qu’il existe des problèmes plus profonds au sein de la Faculté des sciences de la santé et des services communautaires, dont fait partie l’École de science infirmière.
En 2016, l’étudiante Brigid Stanford-Finnerty a affirmé avoir été intimidée et discriminée par des membres du personnel de la faculté. Atteinte du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité ainsi que d’un trouble d’anxiété, elle a obtenu des accommodements pour lui permettre d’apprendre à son rythme. Tout allait bien jusqu’à ce que débute son stage. On lui a soudainement refusé ses accommodements. Celle qui avait l’habitude d’obtenir de bonnes notes s’est vue coller un «E». Après avoir contesté, elle a été menacée (selon son témoignage) d’être exclue «si elle continuait de se plaindre».
Il ne s’agissait pas d’un cas isolé. La fédération étudiante avait confirmé qu’il s’agissait «assurément» de la faculté de laquelle elle reçoit le plus de plaintes et avait parlé d’une culture d’intimidation.
Détail qui a aujourd’hui toute son importance, Brigid Stanford-Finnerty avait mentionné dans l’entrevue à l’Acadie Nouvelle que certains de ses collègues sont victimes de racisme. Elle affirmait aussi être intimidée en raison de son accent anglophone.
Ça commence à faire pas mal de témoignages qui vont dans la même direction.
Avons-nous affaire ici à un ou des responsables de stage qui abusent de leur pouvoir et rendent la vie difficile aux étudiants qui ont le malheur de ne pas être dans leurs bonnes grâces? Ont-ils des préjugés à l’égard des étudiants venus d’ailleurs et qui sont donc plus susceptibles d’éprouver des problèmes d’intégration? Voilà d’autres bonnes questions auxquelles l’U de M doit répondre.
Personne n’accuse l’Université de Moncton d’être une institution raciste. Mais il y a clairement quelque chose qui ne tourne pas rond. Il faudra bien plus qu’une commissaire aux plaintes pour résoudre le problème.