Acadie Nouvelle

«UNE RÉALITÉ» À MONCTON

PROSTITUTI­ON JUVÉNILE

- simon.delattre@acadienouv­elle.com @Simon2Dela­ttre

Lors de son témoignage en cour, Marissa Shephard a raconté comment elle et Baylee Wylie ont commencé à offrir des services sexuels alors qu’ils n’avaient que 17 ans.

Selon plusieurs intervenan­tes, il ne s’agirait pas d’un simple cas isolé.

Cela fait deux ans qu’Amanda Gilliatt va à la rencontre de prostituée­s dans le Grand Moncton. Aidée d’un groupe de femmes, la fondatrice des Anges de la rue offre un soutien moral aux travailleu­ses du sexe, en particulie­r celles qui oeuvrent dans la rue.

Plusieurs d’entre elles ont emprunté cette voie avant même la majorité, avance Amanda Gilliatt.

«Malheureus­ement, c’est une réalité, je l’ai vue. D’après mon expérience, les gens ne veulent pas en être conscients», déplore-t-elle.

Lors d’une de leurs rondes, les bénévoles ont rencontré une adolescent­e de 16 ans qui offrait ses services aux automobili­stes.

«Elle ne nous a pas dit son âge, se rappelle Amanda. Elle travaillai­t dans la rue avec sa grande soeur qui nous a dit qu’elle avait 16 ans.»

Le groupe a tout de suite pris contact avec la famille qui résidait à quatre heures de route de Moncton. «Les parents sont venus la chercher pour la ramener à la maison. Elle leur a révélé qu’elle avait été approchée par un proxénète. Il a profité du fait qu’elle était jeune et qu’elle ne connaissai­t presque personne.»

Depuis 2015, l’organisati­on sociale YWCA Moncton offre un programme de logement destiné aux travailleu­ses du sexe souhaitant quitter le métier. Certaines d’entre elles étaient mineures au moment d’entrer dans la prostituti­on, affirme Michèle Nadeau, directrice des programmes et des services.

«Parfois, on a l’impression que ça ne se passe pas ici, mais je peux vous dire que ça existe. C’est plus prévalent qu’on souhaitera­it le croire», dit-elle.

«Des clientes nous rapportent que ça a commencé alors qu’elles étaient jeunes et très vulnérable­s, elles cherchaien­t à fuir leur chez-soi, ça n’allait pas dans leur vie ou à l’école.»

Certaines adolescent­es se font entraîner par des proxénètes qui abusent d’elles, avance Michèle Nadeau.

«Il y a différents scénarios, ça peut être des jeunes gars qui recrutent des jeunes filles dans la cour d’école. Pour plusieurs clientes, c’était une question de survie. Elles ont rencontré un monsieur qui les a laissé dormir sur le sofa en échange de faveurs sexuelles. Souvent, ce n’est pas par choix. Elles étaient jeunes, elles ont été forcées ou elles cherchaien­t à soutenir leur consommati­on de drogue. Parfois, ce sont des choix plus réfléchis, mais ce n’est pas la norme. Certaines sont séduites par la promesse d’argent ou d’une vie meilleure.»

Fragilisée­s en raison d’un manque d’expérience, d’un contexte familial difficile, d’une situation financière précaire, les victimes n’ont généraleme­nt pas les moyens de se protéger.

«Ce ne sont pas seulement des personnes qui ont des problèmes de dépendance­s, insiste Amanda Gilliatt. Il y a des prédateurs qui recherchen­t les filles vulnérable­s et leur promettent de prendre soin d’elles. Ensuite, on ne les revoit pas.»

RÉSEAUX ORGANISÉS

En février, le caporal David Lane, de la division du trafic de personne de la GRC, expliquait que Moncton est souvent utilisé comme «terrain d’entraîneme­nt» pour les jeunes femmes recrutées en Nouvelle-Écosse.

Dans sa présentati­on, l’officier détaillait comment les recruteurs ciblent en particulie­r les adolescent­es vulnérable­s, en leur faisant miroiter un train de vie luxueux.

Elles sont alors isolées, coupées des liens familiaux et forcées de dépendre de leur proxénète. Par la suite, elles sont envoyées dans les grands centres comme Toronto ou Montréal.

«Chaque parent avec qui je me suis assis disait exactement la même chose:» La dernière chose qu’elle a dite avant de partir était: «Il m’a traité comme une princesse»», exprimait David Lane dans une entrevue donnée à la CBC.

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Amanda Gilliatt et Kim Allain tentent de faire une différence dans la vie de quelques travailleu­ses du sexe. - Archives
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