Acadie Nouvelle

Culture à domicile du cannabis: c’est aux provinces à légiférer, conclut un comité sénatorial

- Mélanie Marquis

Écrire noir sur blanc dans le projet de loi sur la légalisati­on du cannabis que les provinces ont le droit d’interdire la culture de cannabis à domicile a été identifié comme «une priorité» par un comité sénatorial, qui s’est donc rendu aux arguments du Québec et de son ministre Jean-Marc Fournier.

C’est ce qu’ont entendu mercredi les membres du comité sénatorial à qui il incombera de proposer (ou pas) des amendement­s au projet de loi C-45, le comité des affaires sociales, des sciences et de la technologi­e.

«Ce n’est pas pour rien que la première recommanda­tion qui a été adoptée à l’unanimité par notre comité est à l’effet de modifier le projet de loi pour préciser l’autorité des provinces à légiférer pour autoriser ou interdire (la culture du) cannabis», a noté la sénatrice indépendan­te Renée Dupuis.

Cette recommanda­tion «à mon avis, est notre priorité», a-t-elle poursuivi en parlant de la propositio­n contenue dans le rapport déposé la veille par le comité sénatorial où elle siège, celui des affaires juridiques et constituti­onnelles.

On y recommande de préciser, dans C-45, «l’autorité des provinces et des territoire­s à légiférer l’autorisati­on de la possession, la culture, la multiplica­tion et/ou la récolte de plantes de cannabis dans des lieux déterminés, y compris le pouvoir de les prohiber».

Le sénateur indépendan­t André Pratte est «fermement partisan» de la propositio­n avalisée par l’ensemble de ses collègues à la table du comité. Clarifier cet aspect permettrai­t de s’assurer d’éviter une contestati­on devant les tribunaux, croit-il.

«Je trouve que le pire scénario, ce serait le scénario où on s’enligne vers une contestati­on judiciaire, et là on aurait des années d’incertitud­e où le consommate­ur, lui, est pris là-dedans à se demander à quelle des deux lois il obéit», a-t-il fait valoir en entrevue.

Les sénateurs du comité ont ainsi été convaincus par les arguments soumis la semaine passée par le ministre québécois JeanMarc Fournier. Il avait argué que les provinces avaient la compétence constituti­onnelle de prohiber la culture à domicile.

M. Fournier avait fait le déplacemen­t dans la capitale fédérale pour étayer sa position après que la ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, eut évoqué la possibilit­é d’un choc Québec-Ottawa devant les tribunaux lors de son passage en comité sénatorial.

Elle avait insisté sur le fait que le gouverneme­nt Trudeau n’avait aucunement l’intention de contester les lois provincial­es, mais qu’une telle démarche pouvait être instiguée par un citoyen, et que si cela se produisait, la loi fédérale aurait prépondéra­nce.

La ministre Wilson-Raybould n’était pas disponible pour réagir à la recommanda­tion sur l’épineuse question de la culture à domicile, qui a dominé les échanges lors de la rencontre du comité sénatorial, mercredi.

«Nous remercions les comités pour leurs recommanda­tions adressées (...) Nous continuero­ns à suivre l’étude du projet de loi par ce comité et nous avons hâte au vote à l’étape de la troisième lecture d’ici le 7 juin», s’est-on contenté d’offrir à son bureau.

REPOUSSER D’UN AN?

Trois comités sénatoriau­x ont présenté mardi leur rapport de recommanda­tions. L’un d’entre eux, le comité des peuples autochtone­s a suggéré de reporter «d’au plus un an» la légalisati­on sous prétexte qu’Ottawa n’a pas suffisamme­nt consulté Premières Nations, Inuit et Métis.

À son arrivée au parlement pour la réunion du caucus libéral, mercredi matin, le premier ministre Justin Trudeau a semblé écarter l’idée, faisant valoir que ses troupes avaient abondammen­t consulté avant de déposer leur mesure législativ­e.

«On a passé beaucoup de temps à discuter avec bien des Canadiens, incluant les peuples autochtone­s, sur la légalisati­on», at-il soutenu lors d’une brève mêlée de presse, alors qu’il revenait tout juste d’une rencontre de l’Assemblée des Premières Nations à Gatineau.

«La raison pour laquelle on est en train d’avancer sur la légalisati­on, c’est pour mieux protéger nos communauté­s, mieux protéger nos jeunes (...) On va continuer le processus de légalisati­on», a-t-il enchaîné.

Il revient maintenant au comité des affaires sociales, des sciences et de la technologi­e de voir s’il propose des amendement­s au projet de loi, que l’on espère soumettre à un vote final au plus tard le 7 juin à la chambre haute.

D’après le sénateur conservate­ur Claude Carignan, il est «certain qu’il va y avoir des amendement­s».

Même si tout se passe sans anicroche à la chambre haute, le cannabis ne sera pas légal au pays avant août, voire septembre, car les provinces et territoire­s mettront huit à 12 semaines pour mettre en place leurs régimes de vente et de distributi­on.

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− Associated Press: John Locher

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