L’immense quête de Georges Goguen vers l’originalité
En parcourant l’atelier de Georges Goguen, on découvre une multitude de livres, de dessins, d’études et d’oeuvres aux formes parfois étonnantes. Pour chaque tableau, l’artiste de Moncton cherche une façon de réinventer la peinture dans une approche qu’il compare un peu aux Variations Goldberg de Bach.
Les histoires appartiennent aux écrivains, pas aux peintres, estime Georges Goguen qui ne tente pas de communiquer de message avec ses oeuvres. C’est d’abord les couleurs et les formes qui le poussent vers la création en imaginant toutes sortes de variations. La musique a certainement influencé cet artiste inventif qui joue de l’harmonica chromatique. Il y a quelques années, il a formé un groupe de jazz à Moncton.
«La plupart des artistes ont des sujets, mais pas moi. Je pense que mes tableaux sont un peu comme de la musique de Bach qui a été jouée par Glenn Gould dans une série qui s’appelle les Variations
Goldberg. Quand t’écoutes ça, il n’y a pas de sujet», a expliqué l’artiste âgé de 84 ans qui a au moins 80 expositions à son actif. Il recevra le prix Hommage à la Soirée des Éloizes samedi à Edmundston.
Pendant près de 60 années, l’artiste a mené une véritable quête de la nouveauté, tant dans ses peintures que dans la façon de présenter ses oeuvres. Il a réinventé le tableau en éliminant les bordures. Ses surfaces planes bidimensionnelles qui se détachent du mur semblent flotter dans l’espace. Le collectionneur et galeriste Daniel Chiasson qui suit le parcours de Georges Goguen depuis de nombreuses années note d’abord sa créativité et son inventivité.
«Il tente énormément de créer ce qui n’a pas été créé en art, d’être extrêmement original dans ses recherches, dans toute son approche, dans ses tonnes de dessins qu’il fait constamment pour essayer de trouver une oeuvre qui sera à réalisée éventuellement», a partagé Daniel Chiasson.
LES DÉBUTS
Avant de se lancer dans la peinture abstraite, Georges Goguen a été embauché en 1955 comme illustrateur publicitaire chez Eaton à Moncton. Il réalisait les dessins de la marchandise pour les annonces publicitaires dans les journaux. Celui qui a grandi sur la rue Robinson au centre-ville de Moncton raconte que son père Aurèle qui était peintre d’enseignes pour le CN l’a initié à la peinture alors qu’il était encore enfant. Tout petit, le mélange des couleurs le fascinait.
«Dans la cour, les fins de semaine, il peignait sur des portes de camion les noms des entreprises. Je le regardais faire, j’aimais beaucoup mon père. Avec le temps, c’est lui qui me regardait parce qu’il m’a montré à faire ça.»
Plus tard à l’emploi de Radio-Canada comme graphiste, il a fondé la mini-galerie de Radio-Canada rebaptisée par la suite la Galerie Georges-Goguen qui est demeurée ouverte pendant 40 ans. Pendant toutes ces années, il a exposé les oeuvres d’environ 500 artistes dans cette galerie.
Soucieux de promouvoir le travail des artistes, il a également participé à la fondation de la Galerie Sans Nom, de la Galerie 12 en plus d’instaurer le Café des artistes.
«Comme artiste, je me sentais seul dans un atelier. Un soir, j’étais à un vernissage dans un restaurant et j’ai eu l’idée d’organiser un déjeuner ou un souper entre les artistes. Au premier souper, on était une vingtaine et ç’a continué comme ça. J’ai fait 101 cafés des artistes.»
L’ART ABSTRAIT
En 1958, alors qu’il passait l’été à New York, il a visité plusieurs fois le Musée d’art moderne. Quand il a vu les tableaux abstraits, il a été conquis.
«Ç’a été comme l’épiphanie pour moi. À partir de ce moment-là, je ne voulais plus faire de paysage. Depuis ce temps-là, je fouille, j’essaie de découvrir c’est quoi l’art moderne. Je fais beaucoup de lecture.»
Il a traversé plusieurs périodes allant de ses grands formats dans les années 1980 jusqu’aux surfaces bidimensionnelles en passant par les collages s’apparentant aux hiéroglyphes égyptiens. Chaque fois, il y a un jeu de superposition entre les couleurs, la surface et les formes. Il travaille encore tous les matins dans son atelier à sa résidence.
D’après Daniel Chiasson, la valeur de ses tableaux sur le marché de l’art se situe dans la moyenne des artistes de l’Acadie. Ses tableaux font partie de collections au Nouveau-Brunswick et ailleurs au pays. À son avis, ses oeuvres sont vouées à un grand avenir.