Le parcours du combattant de la transition chirurgicale
NDLR: Malgré les avancées des dernières années au Nouveau-Brunswick, le chemin est encore long et tortueux pour les personnes transgenres qui souhaitent avoir accès aux chirurgies de confirmation de genre. Notre journaliste Marie Toulgoat s’est penchée sur le sujet. Nés dans un corps qui n’est pas le leur, débuter une nouvelle vie implique pour certains Néo-Brunswickois transgenres de changer leur apparence physique. Pourtant, entre temps d’attente interminables et couverture partielle des chirurgies, l’accès à la transition médicale est souvent semé d’embûches. Rencontres.
Jace est un homme transgenre. Il a vu le jour dans un corps de fille, mais ne s’est jamais totalement identifié au genre féminin.
«Je savais que je n’étais pas comme les autres petites filles. Je ne portais jamais de robe, je ne portais jamais ça, je n’aimais pas ça, je ne me sentais pas confortable», témoigne-t-il dans un café du centre-ville de Moncton, où nous l’avons rencontré.
Originaire de Riverview, Jace – qui a nous a demandé de taire son nom de famille par peur d’être reconnu par ses employeurs – a terminé son cursus l’année dernière à l’école l’Odyssée à Moncton. Il cumule deux emplois à temps partiel comme vendeur dans un magasin de jouets et de vêtements pour pouvoir financer ses études postsecondaires l’année prochaine.
Une sorte de mal-être n’a quitté le jeune homme que lorsqu’il a réussi à mettre le doigt sur le problème: sa dysphorie de genre. Le genre assigné à la naissance n’était pas le sien.
À ses 15 ans, il a annoncé la nouvelle à ses amis, puis à ses parents. Un mois plus tard, il rencontrait son médecin de famille pour débuter sa transition médicale.
Un premier rendez-vous chez le médecin que Joselyn O’Connor a également vécu, il y a près de cinq ans.
Programmeuse informatique née dans le corps d’un homme, la transition médicale est devenue une urgence pour elle dès qu’elle a pu mettre les mots sur sa transidentité, à l’âge de 26 ans.
«Quand j’ai été certaine que j’étais trans, au même moment je me suis dit que je ne pouvais plus exister comme j’étais. J’avais besoin de faire quelque chose», révèle-t-elle.
En 2016, le gouvernement Gallant a annoncé la couverture des chirurgies de confirmation de genre par l’assurance-maladie (les personnes transgenres interrogées privilégient le terme d’affirmation de genre).
Selon les informations obtenues auprès du ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick grâce à une demande d’accès à l’information, entre l’entrée en vigueur de la décision en août 2016 et le 23 février 2018, 56 personnes ont déposé un dossier de remboursement d’intervention chirurgicale auprès de l’assurance-maladie. Elles ont toutes été acceptées. Il s’agit d’un coup de pouce certain pour les personnes transgenres, qui peuvent désormais recevoir un certain nombre de chirurgies sans avoir à en assumer les coûts.
Une importante avancée sur le papier, mais dans les faits, les obstacles s’accumulent et il faut souvent mettre la main à la poche et prendre son mal en patience pour arriver au bout du processus.
Joselyn O’Connor, après trois ans d’hormonothérapie et de nombreux mois d’attente, a été admise en novembre 2017 au centre métropolitain de chirurgie de Montréal pour recevoir une vaginoplastie. Selon le ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick, le coût moyen de cette opération est estimé à 21 940$.
Pour les femmes transgenres, il s’agit de la seule opération couverte. Si elle avait voulu subir une augmentation mammaire, une féminisation du visage ou encore une réduction de la pilosité, elle aurait dû payer elle-même la facture.
Une omission de certaines opérations «esthétiques» que Joselyn O’Connor a du mal à saisir.
«Pour certaines personnes, ce n’est vraiment pas quelque chose de cosmétique. [...] Je sais qu’il y a des filles qui veulent la chirurgie pour le visage, parce que tout le monde voit ton visage.»
Aux coûts de ces opérations s’ajoutent les frais de transport. La majorité des opérations sont assurées à Montréal, les services n’étant pas proposés au Nouveau-Brunswick. Le voyage et l’hébergement en dehors de l’hôpital ne sont pas remboursés.
Le matériel et les médicaments dont Joselyn O’Connor a eu besoin à la suite de son opération ne sont pas non plus couverts. Celle-ci dépense notamment 20$ par mois en soins à la suite de sa vaginoplastie. Une somme qui peut s’avérer difficile à assumer pour les moins nantis.
«C’est quelque chose qui fait qu’elles [les femmes transgenres à faibles ressources] ne peuvent probablement pas prendre aussi soin d’elles qu’elles auraient besoin», déplore-telle.