Love, tout le monde!
Même si on y trouve du bon, dans les médias sociaux on lit aussi des trucs malsains: on étale des préjugés, on affiche des fausses nouvelles, on débite des inepties, et on s’injurie à qui mieux mieux. Bref: tout un pan trouble de la vox populi y trouve une caisse de résonance. Nez fins s’abstenir: c’est caca. Fouah!
Ces hauts cris merdiques des médias sociaux, expression d’un sentiment impuissant de rétention, on les entend rarement dans les médias traditionnels. Parce que les journalistes triment dur pour livrer une info vraie, vérifiable et vérifiée, donc dénuée de tout parfum louche.
On ne recycle pas son compost intestinal dans un journal ou à la télé!
Pour la radio, c’est différent: si la plupart respectent l’intelligence de leurs auditeurs, quelques-unes servent de bécosses. On a même forgé un gracieux qualificatif pour les décrire: radio-poubelles.
Mais! Si les médias sociaux publient des choses que les médias traditionnels ne publient pas, force est de conclure que les médias traditionnels ne nous disent pas tout!
Conscient de cette anomalie, j’ai commencé à me questionner sur ce cliché qui voudrait que les médias traditionnels soient seuls dignes de confiance, puisqu’ils nous livrent les «vraies» nouvelles.
La question: les nouvelles qu’ils nous rapportent sont peut-être vraies, mais sont-elles complètes?
Pour bien saisir le côté glauque de l’âme humaine, peut-être faut-il aller là où elle croasse au lieu de psalmodier: dans les périphéries, comme dirait le bon pape François.
Et c’est ainsi qu’on obtient un portrait sinon plus inspirant, du moins plus réaliste, de ce qu’est vraiment l’opinion publique.
Justement, l’éditorialiste François Gravel et le journaliste Pascal Raiche-Nogue en font une démonstration édifiante dans le journal d’hier en exhumant quelques crottes de l’Alliance des gens, parti de droite anti-français qui se présente aux élections provinciales de septembre. À lire absolument!
Mais pourquoi ce gouffre entre les bons sentiments susurrés dans les médias traditionnels et les boules puantes larguées dans les médias sociaux?
Parce que le discours public est savamment orienté. En fonction des médias, en fonction des bonnes moeurs, en fonction des idéologies en vogue.
C’est ainsi que j’ai découvert, subitement, au tournant du siècle, après avoir entendu pendant 50 ans des gens rirent des «fifis» et des «tapettes», que tout le monde trouvait ça bien normal, subitement, les gays! Que, subitement, tout le monde aimait ça, les gays! Et même que tout le monde était, subitement, en faveur de ça, le mariage gay!
Bien sûr, les médias traditionnels ont soigneusement aligné leurs nouvelles dans le sens de cette soudaine ouverture d’esprit inédite dans l’histoire de l’humanité. Sur la place publique, le mot d’ordre implicite était lancé: faut prétendre qu’on aime ça, les gays!
N’ayant pas voix au chapitre sur la place publique, les esprits étroits se sont donc acoquinés dans les cavernes des médias sociaux pour se pourlécher mutuellement de quolibets et autres ricanements homophobes de naguère. Comme on ne les entend pas, car les cavernes sont profondes, on a tendance à croire qu’ils se sont tus, mais c’est un leurre.
Et quiconque voudrait vous faire croire qu’ils sont muets colporte une fausse nouvelle.
Comme je l’ai dit, ce «haut» degré de conscience sociale «éclairée» fut favorisé par les médias traditionnels qui n’hésitaient pas à
mettre en lumière les actions publiques progay. Entre autres, le «pinkwashing».
Qu’est-ce que le pinkwashing? C’est une forme de marketing (social, politique, idéologique, médiatique) mettant en vedette un commanditaire qui s’associe à une activité bénéfique communautaire pour masquer ses torts apparents ou réels face à cette communauté, afin d’en tirer bénéfice.
En gros, ce concept de «javellisation rose» a été formulé, fin des années 1990, dans la foulée du mouvement du ruban rose contre le cancer du sein chez les femmes, lorsque des sociétés décidèrent de «s’associer» aux doléances des femmes afin de masquer le fait que leurs produits étaient potentiellement nuisibles à leur santé!
De fil en aiguille, restons dans la métaphore, le principe s’est faufilé dans la communauté LGBT, via des entreprises et des gouvernements qui visent à redorer leur blason parfois entaché d’homophobie.
Les mouvements LGBT en sont bien conscients et savent… tirer leur épingle du jeu pour obtenir des subventions. Les compagnies commanditaires sont ainsi à l’abri des critiques de la communauté gay, et les gouvernements pourvoyeurs s’assurent des bonnes grâces d’un groupe électoral significatif. Tout le monde brode son image. Et personne n’en dira rien, sauf si un chroniqueur un peu revenu de cette haute couture politique ne se décide à montrer du doigt l’ourlet décousu que les yeux ne veulent pas voir.
Voilà, c’est fait. Fin de la métaphore. Même si je me méfie de certains courants
idéologiques susceptibles de traverser les mouvements LGBT, en tant que gay je connais l’importance du regroupement de nos forces.
La plus que très grande majorité des gens issus des minorités sexuelles n’aspirent qu’à une chose vraiment: vivre normalement, en bonne intelligence avec leur entourage.
Et si les regroupements, les subventions, les défilés et le battage publicitaire qui s’ensuit sont utiles pour élever le degré de conscientisation de la population, il reste pourtant à considérer un élément beaucoup plus crucial pour cette conscientisation: l’éducation.
Alors, quand on voit des gouvernements, apparemment fiers de s’afficher pro-gay à coup de subventions, renâcler à l’idée d’implanter des cours d’éducation sexuelle dans les écoles, on se demande si ce n’est pas le serpent qui se mord la queue!
Parlant gaieté, bon succès à l’événement Acadie Love qui commence aujourd’hui à Caraquet. On y propose un heureux mélange de conférences, d’exposition picturale et de fêtes musicales.
Je m’en réjouis car ça évitera de caricaturer malencontreusement la réalité homosexuelle en la confinant à des spectacles de travestis, aussi flamboyants soient-ils, qui risqueraient de faire passer la «normalité ordinaire» que revendique la communauté homosexuelle pour une fausse nouvelle!
Tiens: puisqu’il n’y a pas de défilé gay pendant Acadie Love, pourquoi pas une section gay au tintamarre? Ça, ce serait de l’inclusion!
Love, tout le monde!
Han, Madame?