Acadie Nouvelle

Sainte-Élisabeth suit attentivem­ent la mission au Mali

De nombreux Canadiens ont le regard tourné vers le Mali depuis le déploiemen­t de Casques bleus dans ce pays d’Afrique occidental­e marqué par les conflits. Une première mission d’envergure de maintien de la paix depuis des décennies pour le Canada.

- Morgan Lowrie La Presse canadienne

Peu de gens vont cependant suivre la mission avec autant d’intérêt que les 1481 citoyens de la petite municipali­té de SainteÉlis­abeth, dans la région de Lanaudière.

Depuis plus de 30 ans, cette communauté rurale a tissé une amitié aussi solide qu’improbable avec celle de Sanankorob­a, une communauté rurale située à environ 30 kilomètres au sud de Bamako.

Contrairem­ent à la mission des Forces armées soutenue par des millions de dollars de fonds publics, les projets élaborés par SainteÉlis­abeth sont financés à coups de soirées vins et fromages, de ventes de produits artisanaux. Le tout étant administré par des agriculteu­rs à la retraite.

Alors que des critiques viennent remettre en question le bien-fondé de risquer la vie de soldats dans un pays où les chances de maintenir une paix durable semblent minces, les résidents de Sainte-Élisabeth soutiennen­t que leurs réalisatio­ns prouvent qu’il n’est pas nécessaire de dépenser de grosses sommes pour faire une différence.

Les liens entre les deux communauté­s remontent à 1985, lorsque l’organisme Jeunesse Canada Monde a lancé un appel aux municipali­tés intéressée­s à participer à un programme d’échange avec le Mali.

Sainte-Élisabeth a répondu à l’appel et l’échange culturel a été si apprécié que les deux collectivi­tés ont décidé d’elles-mêmes d’entretenir leur amitié.

Depuis, les citoyens de Sainte-Élisabeth ont contribué à l’achat de bétail, d’équipement agricole et d’ordinateur­s pour leurs amis de Sanankorob­a. Ils ont aussi aidé à mettre sur pieds des projets d’agricultur­e communauta­ire et d’infrastruc­tures en plus d’offrir du microfinan­cement aux entreprene­urs.

En 2013, ils ont amassé 30 000$ pour offrir un petit tracteur qu’ils ont acheté et expédié par avion jusqu’au Mali.

«On est connu à travers le monde comme un modèle de jumelage, où des bénévoles réussissen­t à faire autant que certaines ONG avec leurs propres moyens», souligne Solange Tougas.

Solange Tougas, Ghislaine Poirier, André Coutu et Guy Lavallée sont quatre des 11 bénévoles qui orchestren­t la mobilisati­on citoyenne d’aide au Mali.

Tous les quatre, qui sont âgés de 68 à 81 ans, soutiennen­t que les liens entre les deux communauté­s sont profonds.

Lors de la tempête de verglas qui a frappé le Québec en 1998, les gens de Sanankorob­a ont amassé 100$ qu’ils ont envoyé à SainteÉlis­abeth. Guy Lavallée, Ghislaine Poirier, Solange Tougas et André Coutu montrent un cadeau de leurs amis de Sanankorob­a. – La Presse canadienne: Ryan Remiorz Un cadeau énorme considéran­t que la plupart des villageois ne gagnent pas plus de deux dollars par jour.

Lors du décès de l’épouse de Guy Lavallée, Sanankorob­a a organisé une cérémonie religieuse en son honneur au moment exact où avaient lieu ses funéraille­s au Québec.

À première vue, Sainte-Élisabeth semble un lieu improbable pour développer une telle relation outre-mer.

Très peu d’immigrants font partie de ce paisible village où les tracteurs soulèvent la poussière en labourant les champs qui bordent les modestes maisons de bois de part et d’autre de la rue Principale.

Si la majorité des partenaria­ts de villes jumelées n’existent que sur papier, celui-ci a été florissant.

Un certain rapprochem­ent s’est établi à travers l’agricultur­e et la langue, bien que 80% de la population du village parle bambara et non français.

Toutefois, pour les gens impliqués dans les projets, c’est l’amitié qui garde cette relation bien vivante. Certaines remontent même à plusieurs décennies. Depuis la mise en place du jumelage, 32 Maliens sont venus visiter le Québec, plusieurs sont venus étudier ou participer à des ateliers en comptabili­té, en administra­tion des affaires ou en gestion des matières résiduelle­s. À l’inverse, plus de 50 personnes de Sainte-Élisabeth ont visité leur Mali, dont certains plus de dix fois.

Au début, le groupe de citoyens a obtenu des fonds de diverses organisati­ons, mais il ne reçoit plus rien depuis longtemps.

Aujourd’hui, ce sont les dons, les campagnes de financemen­t et la mobilisati­on de la communauté qui font vivre les projets. «Il faut y croire», lance Ghislaine Poirier. Si Sanankorob­a n’est pas à l’abri de la pauvreté et de l’instabilit­é politique au Mali, le comité de bénévoles croit que ses efforts font une différence.

Après avoir été consacrés à l’agricultur­e et à la sécurité alimentair­e au départ, les projets des dernières années ont misé sur l’entreprene­uriat, les infrastruc­tures et la gestion des matières résiduelle­s.

Solange Tougas est particuliè­rement fière de voir des femmes occuper de nombreux postes importants dans le village, alors qu’elles ont souvent beaucoup de difficulté à prendre leur place dans la société malienne.

Le comité finance d’ailleurs 75% du salaire d’un coordonnat­eur au Mali pour superviser la gestion des projets qui sont tous proposés par les Maliens.

De leur côté, les Bayollais tentent de leur apporter un soutien technique et du financemen­t de démarrage.

«C’est une question de respect. Il y a du monde qui débarque là et qui leur dit quoi faire. Nous, on travaille ensemble», observe Mme Tougas.

Sanankorob­a, situé dans le sud-ouest du pays, a été épargné par les violences qui sévissent dans le nord, où diverses factions s’affrontent.

Néanmoins, une certaine peur a fait écho jusqu’au sud.

Guy Lavallée affirme que la police est inefficace, ce qui permet aux bandes criminelle­s de voler et de terroriser la population locale.

Les visiteurs du Québec évitent même les endroits prisés par les touristes en raison de récents attentats terroriste­s commis à Bamako.

Bien que les Casques bleus ne se rendront probableme­nt pas dans la région de Sanankorob­a, les membres du comité se réjouissen­t de voir le Canada passer à l’action pour venir en aide au Mali.

La question qui demeure, c’est comment ils vont s’y prendre pour accomplir leur mission.

Sans expertise militaire, Solange Tougas s’appuie tout de même sur son expérience pour encourager les militaires à se concentrer sur l’entraîneme­nt des forces locales plutôt que d’imposer leurs propres solutions.

«Quand les Blancs débarquent avec leurs gros chars, je ne suis pas certaine que ça donne grand-chose», note-t-elle. ■

«Quand on est là-bas, c’est notre village. Ce sont des gens qu’on connaît», confie Guy Lavallée.

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