Acadie Nouvelle

ROSELLA MELANSON: CES ACADIENS QUI SE PRÉTENDENT «MÉTIS»

- Rosella Melanson Fredericto­n

Je veux vous parler d’Acadiens qui me font honte. Et pour une fois, il ne s’agit pas d’élus. Je veux dire les Acadiens qui se proclament «Métis» un bon jour parce qu’ils viennent d’entendre dire qu’il y aurait peut-être des avantages à ça.

La plupart ont su toute leur vie qu’ils avaient un ancêtre autochtone, mais c’est une décision juridique favorable aux autochtone­s ou une rumeur de gains faciles qui les a rendus fiers de cet ancêtre, aussi lointain ou incertain soit-il. Des quelque 1000 ancêtres qu’on a depuis l’arrivée des premiers Acadiens, c’est l’ancêtre ou la poignée d’ancêtres des Premières Nations qui va dorénavant les définir.

Cette nouvelle fierté aurait pu les motiver à appuyer les Premières Nations et à exiger que les associatio­ns acadiennes fassent de même.

Non, la nouvelle fierté des nouveau-nés «métis» les pousse à s’acheter une carte de «métis» à l’associatio­n arnaqueuse du coin, carte faite pour ressembler exactement celles des Premières Nations, carte qu’ils vont tenter de se servir pour éviter de payer des taxes sur des achats et qu’ils brandiront en revendiqua­nt leurs droits de chasse et pêche à l’année, ou de vivre la «grosse vie» des Premières Nations, des arguments de vente de ces cartes. Le nombre de personnes aux Maritimes s’autodéclar­ant Métis dans les recensemen­ts a explosé ces dernières décennies.

Si fiers de leur ancêtre autochtone sontils que certains dénigrent les Premières Nations. Citons leurs associatio­ns: «Nous sommes les premiers vrais Autochtone­s. Nous sommes plus métis que les Métis de l’Ouest. On ne veut que ce que ces autres Autochtone­s ont déjà». Comme un pêcheur de Pont-Landry dénonçait en 2000: «Il y a des pêcheurs qui se battent contre les Autochtone­s pour ne pas leur donner le droit de pêcher, mais qui ont leur carte de Métis pour avoir les mêmes avantages qu’eux si jamais ils viennent à gagner leurs droits».

Ces poseurs nous annoncent également qu’il y a des communauté­s métisses! Il n’y aurait pas qu’en Amazonie qu’on découvre des tribus inconnues. En Acadie itou! Certains affirment qu’ils ont grandi dans des communauté­s secrètes métisses. Dans ces places, les «Métis» savaient qui ils étaient. «Acadien» était un code pour «Métis», ou quelque chose comme ça, c’est flou.

Certains autres prétendus «Métis» disent qu’ils n’ont jamais su qu’ils étaient «Métis» - la faute de l’Acadie et des historiens - mais ils viennent de faire analyser leur ADN et bingo! Ceux-là n’ont pas encore entendu parler de la clause dans les décisions juridiques qui dit qu’un des critères pour être Métis, c’est être membre d’une communauté métisse. Leurs souvenirs de vie pourraient bientôt changer.

Que les Premières Nations soient d’avis qu’il n’y ait pas de Métis ou de communauté métisse dans les Maritimes ne semble pas troubler ces aspirants, qui ne se demandent pas non plus si la parenté est fière d’eux.

Quand on forçait les Premières Nations dans des réserves, quand on enlevait leurs enfants pour les mettre dans les écoles résidentie­lles, ces personnes et communauté­s qui se réclament de la même race n’ont pas sorti du bois. Elles savent choisir le moment pour avoir leur épiphanie, pour s’approprier le butin de l’autre.

D’autres Acadiens et Autochtone­s ont déjà bien dénoncé ces opportunis­tes.

Je ne suis pas Métis… ma mère me l’aurait dit, titre le sociologue Joseph-Yvon Thériault dans un texte publié par Astheure en 2016.

«Acadiens et Acadiennes, arrêtez vos gestes. C’est honteux cecitte!», tweetait l’Acadienne Vanelle@teesock ce mois-ci en réaction à la nouvelle qu’une des associatio­ns de «Métis» acadiens dit que la langue des Métis de l’ouest, Michif, est parlée en Nouvelle-Écosse.

«Il y a 20 ans, même les Indiens ne voulaient pas être indiens. Aujourd’hui, tout le monde veut l’être!», a ironisé récemment Len Tomah, le chef régional de l’Assemblée des Premières Nations du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard.

«Tout au long de l’histoire, nous avons résisté à la colonisati­on et nous avons parlé des horreurs contre les peuples autochtone­s. Où étaient ces Métis pendant tout ce temps?» soulève Jarvis Googoo, un avocat mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse.

Il est important de dénoncer cette situation pour plusieurs raisons. C’est de la foutaise. Les Premières Nations ne méritent pas ça et ont droit de s’attendre à ce que leurs amis dénoncent ces «Acadiens». Ça fait honte à l’Acadie. Ils cherchent à falsifier l’histoire.

La pire conséquenc­e potentiell­e des manigances des pseudo «Métis» serait que cela nuise aux droits et bénéfices des Premières Nations.

Ce serait l’ultime appropriat­ion.

Je suis Acadienne, donc je suis métissée, c’est-à-dire j’ai des ancêtres de diverses origines ethniques. Mais je ne suis pas Métis dans le sens politique et juridique canadien, même si j’ai des ancêtres des Premières Nations.

Presque tout humain est métissé. C’est ça l’amour, l’histoire, le viol, la vie. On a du sang des Autochtone­s de l’Europe, de l’Afrique, de l’Amérique du Nord, et d’ailleurs. Cela ne change rien à notre citoyennet­é, nos droits, les réalités politiques. Sauf que depuis que j’ai découvert que j’ai du sang écossais, français et portugais, je vends des «passeports» à ces pays. Ça vous intéresse? Dix piastres pour l’étude de votre filiation, un peu plus pour le passeport et vous devriez être bon pour demander les bénéfices et pensions dus aux citoyens de ces pays.

Ces «Métis» me rappellent les disciples de Trump qui, tannés d’être les perdants du système capitalist­e, décident qu’ils n’ont pas à changer ce système; il suffit de construire un monde alternatif, de viser les cibles faciles.

Ces «Acadiens-Métis» se sentent peutêtre délaissés, les héritiers d’une histoire inachevée. Ça porte à l’idée un autre monde alternatif. Un monde où les Acadiens demandent un dédommagem­ent, un fonds acadien, un territoire pour être Acadiens. Quelqu’un vend des cartes pour ce monde alternatif? ■

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