La rhétorique de Trump incite des musulmans américains à se lancer en politique
Un peu partout aux États-Unis, des Américains de confession musulmane se lancent en politique dans une proportion jamais vue dans l’ère post11-Septembre, poussés à l’action par la rhétorique et les politiques islamophobes du président Donald Trump, selon
Lorsque Tahirah Amatul-Wadud a entendu parler de la victoire d’Alexandria Ocasio-Cortez face au représentant Joe Crowley à la primaire démocrate de l’État de New York le mois dernier, la candidate y a vu des parallèles avec sa propre campagne pour un siège au Congrès dans l’ouest du Massachusetts.
Alexandria Ocasio-Cortez, une jeune femme progressiste née de parents portoricains, inconnue du public et dotée de maigres moyens financiers, a damé le pion à un politicien expérimenté qui siégeait au Congrès depuis 30 ans.
Mme Amatul-Wadud, une avocate afroaméricaine musulmane âgée de 44 ans, se porte candidate face à un influent membre de la Chambre des représentants dans le cadre de la primaire démocrate au Massachusetts, qui aura lieu le 4 septembre. Elle est la seule rivale du représentant Richard Neal pour ce scrutin.
Depuis la victoire d’Alexandria OcasioCortez, Tahirah Amatul-Wadud croule sous les encouragements, les offres de bénévolat et les dons en argent. Elle croit de plus en plus à ses chances de l’emporter face à un politicien d’expérience.
Plusieurs Américains, à l’instar de Mme Amatul-Wadud, espèrent profiter de l’essor de l’activisme progressiste au sein du Parti démocrate qui a permis à Mme Ocasio-Cortez de remporter une victoire improbable, et qui pourrait permettre aux démocrates d’obtenir la majorité dans les deux chambres du Congrès en novembre.
DES RÉACTIONS ISLAMOPHOBES
Pourtant, le chemin de la victoire peut être plus difficile pour un Américain musulman. Certaines campagnes prometteuses ont déjà perdu des plumes, tandis que d’autres se heurtent à de fortes réactions islamophobes.
Au Michigan, le candidat démocrate au poste de gouverneur Abdul El-Sayed continue de faire face aux allégations infondées d’un rival républicain, qui l’accuse d’entretenir des liens avec les Frères musulmans. Des politiciens républicains et démocrates ont dénoncé ces accusations, qu’ils assimilent à une «théorie du complot».
À Rochester, au Minnesota, l’aspirante mairesse Regina Mustafa a avisé les autorités d’au moins deux cas où des menaces antimusulmanes ont été affichées sur ses comptes de médias sociaux.
En Arizona, la candidate au Sénat Deedra Abboud a reçu un torrent d’attaques islamophobes sur Facebook en juillet, ce qui a poussé son rival, le républicain Jeff Flake, à se porter à sa défense sur Twitter.
Quelque 90 Américains musulmans se sont portés candidats à des postes nationaux ou étatiques dans la première phase des primaires en vue des élections de mimandat du mois de novembre, un nombre que les groupes musulmans considèrent comme sans précédent, du moins depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Mais les récentes primaires ont ramené ce nombre à environ 50, ce qui dépasse encore largement la douzaine de candidats musulmans recensés en 2016, selon Shaun Kennedy, cofondateur de Jetpac, un organisme à but non lucratif du Massachusetts qui aide à former des candidats musulmans.
Neuf candidats au Congrès sont toujours en lice, selon le décompte de Jetpac. Au moins 18 autres font campagne pour la législature d’un État et 10 autres sont candidats pour d’importantes fonctions étatiques ou locales, notamment pour des postes de gouverneur, de maire ou de conseiller municipal. D’autres candidats convoitent des postes plus modestes au sein de conseils d’aménagement local et de commissions scolaires, par exemple.
La prochaine période de primaires déterminantes aura lieu au mois d’août.
Au Michigan, au moins sept candidats musulmans figurent sur le bulletin de vote du 7 août, notamment Abdul El-Sayed, qui pourrait devenir le premier gouverneur musulman des États-Unis.
Au Minnesota, la décision de Keith Ellison, premier élu musulman du Congrès, de briguer le poste de procureur général de l’État a déclenché une frénésie politique pour le remplacer. Parmi les candidats à sa succession figurent deux musulmans: Ilhan Omar, le premier élu d’origine somalienne de la législature de l’État, et Jamal Abdulahi, un militant lui aussi originaire de la Somalie. ■
«Je crois fermement que nous devons faire face à cette rhétorique», a expliqué Mme Abboud, qui a aussi vu des opposants organiser des manifestations armées lors de ses événements de campagne. «Nous ne pouvons pas l’ignorer ou prétendre que c’est un élément marginal, nous devons laisser cet affreux visage se montrer au grand jour pour décider si ce visage nous ressemble.»