L’avenir est incertain pour l’urgence de Caraquet
Les médecins de la Péninsule acadienne n’ont pas caché leur mécontentement face à une entente qu’a conclue la Société médicale du N.-B. et le ministère de la Santé. Dr Gilbert Blanchard ne mâche pas ses mots. Il parle d’une véritable trahison.
L’entente en question offrira aux médecins qui oeuvrent dans les grandes villes de la province une augmentation salariale de 4%.
Qui plus est, cette entente est rétroactive à l’année dernière. Ce qui veut dire que ces mêmes médecins empocheront un boni en fonction des heures qu’ils ont travaillé dans la dernière année.
Dr Blanchard crie à l’injustice.
«Je n’ai pas de problème à ce que les médecins aient une augmentation de salaire, dit-il. Ce qui me dérange le plus c’est que nous, en région, faisons face à une pénurie de médecins qui menace nos hôpitaux.»
Il croit fortement que le désavantage salarial compliquera davantage le recrutement.
«Nous sommes déjà payés moins cher qu’eux et nous sommes surchargés. Comment sommesnous censés attirer de nouveaux médecins dans les régions de la Péninsule alors qu’ils peuvent gagner plus ailleurs en faisant moins de travail?»
«Ce que l’on veut, c’est un équilibre. Pourquoi ne pas augmenter les salaires de tout le monde?»
À l’heure actuelle, 10 postes en médecine doivent être pourvus dans la Péninsule. Le besoin est criant pour des médecins de famille et des urgentologues.
Si bien que l’urgence du Centre hospitalier l’Enfant-Jésus de Caraquet est à nouveau menacée de fermeture. Dr Blanchard confirme qu’il s’en est fallu de peu pour qu’elle ferme ses portes en début d’année.
«J’ai vécu la fermeture d’il y a une douzaine d’années. C’était l’enfer! Personne ne veut revivre ça.»
Annuellement, les hôpitaux de Caraquet et de Tracadie soignent quelque 50 000 patients aux urgences. La charge est équivalente à celle du Centre hospitalier Georges-L.-Dumont de Moncton.
«Seule, Tracadie ne peut subvenir aux besoins de la population, c’est impossible. Nous l’avons bien vue par le passé.»
Le désir de maintenir l’urgence de Caraquet ouverte est présent chez les médecins, mais à quel prix?
«Ça va dépendre de ce que le ministère veut faire (pour fermer ou non l’urgence). On souhaite qu’elle reste, mais des décisions comme celles-ci compliquent les choses.»
L’urgentologue mentionne d’ailleurs que plusieurs médecins ont déjà quitté pour aller ailleurs et que d’autres ont manifesté leurs intentions de suivre le pas.
À son avis, la Société médicale du N.-B. a fait une erreur et le ministère de la Santé aurait dû prévoir que l’entente susciterait des réactions.
«Nous l’avons appris mercredi matin et nous sommes frustrés! La décision n’a aucun bon sens. On espère que ce n’est pas coulé dans le béton.»
Pour le médecin, la solution serait d’offrir de meilleurs salaires et de meilleures conditions à ceux qui pratiquent dans les régions. C’est notamment ce qu’a fait le gouvernement du Québec pour attirer les médecins ailleurs que dans les grands centres urbains. «Je pense que ce serait plus facile de recruter les jeunes diplômés de la faculté de médecine de l’Université de Moncton. Au Québec, les médecins en régions gagnent de 140% à 150% du salaire de base.»
Il se questionne également sur d’autres solutions envisageables.
«Pourrait-on obliger les finissants à faire un certain nombre d’années de service en région à leur sortie des études? Doit-on prioriser certains postes pour mieux compétitionner contre Moncton?»
Si le problème lié à l’urgence persiste depuis le printemps, des solutions à court terme ont été trouvées.
«Ils ont donné des primes pour temporairement combler les besoins. Certains médecins du Québec, de l’Ontario et des États-Unis nous donnent un coup de main. Mais à long terme, ce n’est pas efficace. On ne peut garantir la qualité des soins prodigués. Ils ne seront pas ici pour faire les suivis non plus.»
Dr Blanchard assure que lui et ses collègues n’ont pas reçu de justifications pour les mesures adoptées.
Selon lui, de telles décisions «nous ramènent 10 ans en arrière». ■