Urgences: les régions laissées pour compte
Dr Gilbert Blanchard Médecin urgentologue, Hôpital l’Enfant-Jésus de Caraquet
Depuis mon retour dans la Péninsule acadienne en 2006, nous avons travaillé d’arrache-pied au niveau du recrutement de médecins; recrutement qui a porté ses fruits et nous a permis heureusement en 2012 de rouvrir le service d’urgence à l’hôpital l’Enfant-Jésus de Caraquet.
Au printemps dernier, à la suite de nombreux départs de médecins, une nouvelle crise des effectifs médicaux dans la Péninsule s’annonçait pour l’été, menaçant ainsi à nouveau l’urgence de Caraquet de fermeture. Heureusement, certaines primes allouées temporairement par le ministre de la Santé nous ont permis d’attirer quelques médecins dépanneurs et ainsi combler les horaires jusqu’à l’automne, nous laissant un peu de temps pour réfléchir afin de trouver des solutions définitives pour encourager les médecins à s’établir en région rurale plutôt que dans les grandes villes.
Aujourd’hui, l’assurance-maladie nous annonçait une hausse de salaire des médecins urgentologues dans les centres hospitaliers régionaux comme Bathurst, Moncton et Saint-Jean, mais pas dans les hôpitaux ruraux comme Tracadie et Caraquet; entente conclue entre la Société médicale du N.-B. et le ministère de la Santé.
À travers le pays, plusieurs provinces ont adopté des mesures qui allouent un meilleur salaire aux médecins en région rurale, ce qui favorise grandement le recrutement et facilite la rétention.
Malheureusement, certains dirigeants n’ont toujours pas compris cette logique. Les médecins comme moi se sentent ainsi trahis pour tous les efforts qu’ils ont mis depuis toutes ces années pour maintenir à bout de bras certains services essentiels. Avec des salaires moindres, comme l’assurance-maladie vient de nous annoncer, nous sommes donc destinés à vivre dans une perpétuelle crise; crise d’effectifs qui décourage certains médecins et qui a provoqué récemment le départ de nombreux collègues de notre région.
Les médecins des urgences de la Péninsule sont déjà surchargés et travaillent déjà dans des conditions parfois difficiles loin de tout, sans médecins spécialistes à proximité. Ces conditions découragent beaucoup de médecins d’y venir travailler. Pourquoi les médecins de la ville viendraient-ils nous aider s’ils sont moins payés chez nous? Peut-on considérer notre travail en région rurale à sa juste valeur? Le Nouveau-Brunswick, ce n’est pas seulement Saint-Jean ou Moncton!
Notre société médicale est en train de déraper et semble oublier les enjeux des régions rurales.
J’ai bien peur qu’on soit confronté à nouveau à d’éventuelles fermetures de services si la Société médicale et le ministère de la Santé ne changent pas de direction.