Remaniement et langues officielles: entre espoir et inquiétude Raymonde Gagné Sénatrice pour le Manitoba
Comme le veut la tradition, le remaniement annoncé par le premier ministre Justin Trudeau le 18 juillet dernier a suscité de vives réactions et d’analyses détaillées. Au-delà des calculs et considérations politiques et électoraux, cependant, ce remaniement risque d’avoir un impact considérable sur les langues officielles au Canada.
En effet, si on a fait grand bruit de la supposée «rétrogradation» de l’honorable Mélanie Joly, qui quitte son poste de ministre du Patrimoine canadien pour occuper celui de ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, il faudra nécessairement attendre la diffusion des lettres de mandat des ministres pour comprendre la motivation derrière ces changements.
Les circonstances nous permettent-elles d’y entrevoir un engagement renouvelé du gouvernement envers les langues officielles? Cette nomination survient, après tout, quelques semaines après que le premier ministre ait affirmé en chambre la volonté de son gouvernement de moderniser finalement la Loi sur les langues officielles. La ministre Joly sera-telle formellement et finalement chargée de ce dossier? Ce serait une avancée attendue depuis longtemps et Mme Joly, qui a multiplié les consultations tout au long de son mandat, est bien au fait des enjeux.
L’idée d’une ministre attitrée spécifiquement aux langues officielles est intéressante, mais rien n’est gagné d’avance. Nous savons qu’il n’y aura pas un nouveau ministère mis sur pied, et la ministre Joly s’est vue attribuer, par décret, certains pouvoirs qui relèvent du ministre du Patrimoine canadien. Les langues officielles auront donc à frayer un chemin possiblement sinueux pour se rendre au-dessus de la pile des priorités du gouvernement. Or, il ne faut pas s’en cacher, le premier ministre ne vient pas perturber un système qui fonctionnait à merveille: les défis en matière de gestion horizontale des langues officielles sont légion, et la quasi-totalité des témoins qui ont participé à l’étude du Comité sénatorial permanent des langues officielles sur la modernisation de la Loi ont fait part d’exemples désolants.
Ce remaniement, donc, n’offre pas une solution viable aux ratés systémiques de la Loi et de son application. Il est évident que la responsabilité des langues officielles doit revenir à un ministre dûment habilité par la Loi de veiller à son application. Mais cette réattribution de responsabilités pourra-t-elle, d’ici 2019, permettre une réforme sérieuse et ambitieuse de la Loi sur les langues officielles?
Tout sera joué lors de prochains mois. Des gestes concrets et un échéancier clair redonneront espoir aux Canadiens quant à l’avenir de la dualité linguistique au pays. En l’absence de telles démarches, il faudra plutôt s’inquiéter d’un net recul.