Acadie Nouvelle

RINO MORIN ROSSIGNOL: ENTRE LA TERRE, LA LUNE ET LE NOMBRIL

- Rino Morin Rossignol

L’autre soir, tsé, j’étais sur le seuil de ma porte, en ligne directe avec le soleil, la Terre et Mars! Pis là, la Lune, pleine jusqu’aux ouïes, est venue se planter juste devant moé. A me bouchait Mars, la torrieuse! À croire que le ciel n’a aucune considérat­ion environnem­entale. C’t’effrayabe!

Depuis, j’essaie de me rappeler qui c’est qui tourne autour de qui. Bon, je sais que le soleil tourne autour de la lune vingtquatr­e heures par jour. Mais c’tu la Lune qui tourne autour de la Terre ou c’tu viceversa? Ça m’étourdit assez que j’peux pu me tiendre deboutte!

C’est comme dans la vie: des fois, on tourne autour de que’qu’un pendant vingt-quatre heures pis on se tanne ben net; pis d’autres fois faut tourner autour pendant un an avant de s’apercevoir que «Môssieu» file pas pour la galipette!

Oh! «Môssieu» veut faire son difficile? SUIVANT!

Ok, j’arais dû vous avertir: cette chronique ne sera pas t’écrite en frônçais de Frônce, mais du Deuxième-Sault! C’est l’été, c’est léger, c’est flyé! On fête la Foire Brayonne!

Quoissé que je disais-je?

Ah! oui, la Lune.

Non, mais, tu parles d’un adon: crayezlé, crayez-lè pas, toués mois, la pleine Lune vient m’étriver drette sur le seuil de ma porte d’anavant. Vré, vré! Méchante marée d’hormones! J’te dis que j’en bois de l’eau bénite!

Pis le soir d’une éclipse lunaire, quand on s’attend à son striptease dans le noir, la vlà qui reste éclairée comme un Noël des campeurs! À garde le show pour l’Afrique. Pourtant, les Canadiens sontaient du si tant bon monde! Y onvaient même acheté des tonnes de réfugiés!

Chu t’outré! J’ai quasiment envie de me laisser assimiler pour me venger. Pire: j’envoie un twitte viril. Oups, viral.

Dire que mon oncle Albert m’avait révélé, quand j’avais huit ans, que la lune était juste un gros morceau de fromage cheddar qui flotte dans le firmament! Et que c’est pour ça que notre galaxie s’appelle la Voie Lactée! Le cheddar a durci en joual vert!

Notre galaxie, c’est notre adresse cosmique. C’est bon à savoir. Par exemple, si un soir pas de Lune, la grosse noirceur, toé, vous prenez une marche dans la Renous, pis que vous tombez sur un extraterre­stre qui a l’air pardu, vous aurez inque à crier en pointant la galaxie: «Dairy Milk! Dairy Milk!»

Là, y va se r’trouver tusuite. Surtout si qu’y a un GPS. Holé que c’est ben faite, ces tites bébelles-là! Beau cadeau de Noël, ça!

Mais ce qui m’a frustré avec le gros cheddar cosmique, c’est que sa face bouffie me cachait le derrière d’la planète rouge! Moé qui est fou du chocolat Mars! Et même, fou tout court, aux dires d’observateu­rs éclairés.

Quand on restait chez Madame Michaud, ma soeur, mon frère, pis ben d’autre monde, un de ses pensionnai­res, pépére Langlais, traversait les lignes pour aller acheter des barres de chocolat Mars à Madawaska, Maine. Pis des fois, quand Madame Michaud était sortie, on se garrochait sur la boîte en fer blanc sous son litte, yousse qu’a cachait le chocolat, pis on se bourrait du fruit défendu!

Oui, le chocolat Mars est un fruit. Moétou ça m’a surpris.

Disez pas ça à police, pis mettez pas ça sur Facebook, mes mozusses! Trump pourrait ordonner un blocus du chocolat Mars vers le Madawaska! Entéca, m’nez pas vous lamenter après.

Que disais-je-tu déjà?

Ah! oui, aujourd’hui pas de grands mots dans conversati­on. Holé que ça fait du bien! Et le tout, joliment décoré de quelques anacoluthe­s par-ci par-là, d’une couple de solécismes, d’une hypallage ou deux. Rien qui paraît. Chanceux, va!

On viendra quand même pas m’accuser d’appropriat­ion de ma propre culture brayonne!

Appropriat­ion. Non, mais, tu parles d’un grand mot fatiquant! Un autre grand mot qu’on apprend sans s’en apercevoir, comme le mot «amalgame», encore ben à mode y a deux mois, ou le mot «islamophob­ie» qui fait si peur. Quasiment aussi épeurant que le mot «câlin», câlin par-ci, câlin par-là à tout un chacun! Pis vive les feux sauvages!

L’année passée, c’était l’expression «en amont» qui était sur toutes les lèvres. Sua cibici française, pendant six mois, toutes les phrases finissaien­t par «en amont». Fait que j’me sus garroché en aval sur YouTube!

Il y a aussi plein de mots qui surgissent dans nos bouches comme la toune «La Macarena», et qui disparaiss­ent aussi vite. Genre: le mot «homophobie». Pu besoin d’en parler, Acadie Love a tout réglé ça: tout le monde est gay! Yéé.

C’est sûr que ça prend parfois des mots pour se parler et se comprendre. Et quand je dis «se comprendre», j’exagère un peu, ce qui est rarissime. Mais bon, une fois n’est pas coutume, pis horny soit qui mal y pense ad majorem Dei gloriam!

Bizarre, tout le monde parle d’appropriat­ion culturelle, pis me semble que ben du monde a pas l’air de saouère ce que c’est. Si j’ai ben compris, l’appropriat­ion culturelle c’est quand que tu vas écornifler dans la culture du monde qui sont des victimes de kekchose, pis que tu prends ce qui fait ton affaire, pis que tu fais une piasse avec ça.

Ciel! Combien de fois faudra-tu répéter que piquer, c’est voler?

Évidemment, si la personne qui fait une piasse avec ça partage ses bénéfices avec les victimes offensées, là, c’est pu grave pantoute, tsé, pis les victimes seront ben consentant­es. Oups, ben contentes!

Mais si ça finit que pu personne peut parler de choses qu’y a pas vécu dans ses tripes à lui ou sa famille depuis Jules César, ben là, pu personne ne parlera de personne. Pis tout le monde va juste parler de son soi-même!

Après le selfie, le nombril!

Pis, là, les victimes vont dire que personne d’autre parle d’eux autres!

Un conseil: justement, parlez pu des autres. Mieux: parlez pu pantoute! Faisez juste des signes à bout de bras.

R’lançons l’industrie du mime en Acadie! Allez, on commence par un moumounewa­lk pour tout le monde! R’tchulons d’l’avant, nos gens!

Han, Madame? ■

 ?? - Associated Press: Ted S. Warren ?? Non, mais, tu parles d’un adon: crayez-lé, crayez-lè pas, toués mois, la pleine Lune vient m’étriver drette sur le seuil de ma porte d’anavant. Vré, vré! Méchante marée d’hormones!
- Associated Press: Ted S. Warren Non, mais, tu parles d’un adon: crayez-lé, crayez-lè pas, toués mois, la pleine Lune vient m’étriver drette sur le seuil de ma porte d’anavant. Vré, vré! Méchante marée d’hormones!
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada