Acadie Nouvelle

L’invasion chinoise de Tim Hortons

- Sylvain Charlebois Professeur en distributi­on et politiques agroalimen­taires Université Dalhousie

Tim Hortons débarque en Chine. Restaurant Brands Internatio­nal (RBI), l’entreprise propriétai­re de la bannière chérie des Canadiens, annonçait un nouveau partenaria­t avec la firme Cartisian Equity pour développer le marché chinois. L’entreprise entend ouvrir 1500 restaurant­s au cours de la prochaine décennie sur le territoire chinois, un nombre impression­nant.

Avec cette expansion, Tim Hortons s’internatio­nalise à un point tel que d’ici 10 ans, près de 40% de ses restaurant­s se situeront à l’extérieur du Canada. Avant que Tim Hortons passe aux mains de RBI en 2014, la chaîne avait toujours éprouvé certaines difficulté­s à exporter son offre hors des frontières canadienne­s. Tim Hortons a déjà exploité près de 900 restaurant­s aux États-Unis. Aujourd’hui, on ne compte que 726 établissem­ents. En 2011, la chaîne canadienne s’établissai­t à l’étranger uniquement à quelques endroits comme aux Émirats arabes unis, à Oman et au Koweït. Depuis l’arrivée de RBI, Tim Hortons a pignon sur rue aux Philippine­s, en Angleterre, en Espagne, et bientôt en Chine.

En principe, RBI suit la même feuille de route que pour son autre filiale, Burger King, durant son incursion chinoise il y a quelques années. Avec l’appui de Cartisian Equity, Burger King possède maintenant plus de 1000 restaurant­s au sein de la deuxième plus grande économie au monde. Avec un tel partenaire qui connaît très bien le marché chinois, il est difficile de ne pas croire au succès futur de Tim Hortons.

Cette expansion suit une logique qui incite une entreprise canadienne à miser sur des marchés en croissance. La classe moyenne en Chine s’urbanise et s’enrichit. La demande pour le café augmente d’environ 15% par année depuis au moins les cinq dernières années. «L’effet Starbucks» y a joué un rôle important. Depuis que la bannière Starbucks s’affiche dans les rues de la Chine, elle connaît un succès marquant. L’entreprise de Seattle compte maintenant plus de 2800 restaurant­s en activité en Chine.

Côté marketing, en revanche, les choses se compliquen­t puisque la référence pour le café en Chine s’associe à Starbucks. Il y a 50 ans, Tim Hortons se consacrait au marché canadien et devenait la référence dominante du marché au Canada pour le café. Cette fois-ci, la bannière doit s’adapter à un marché déjà conquis par le maître de l’expérienti­el pour le marché du café, Starbucks.

À la base, Tim Horton était un joueur de hockey profession­nel canadien. Un sport peu connu en Chine et Tim Horton encore moins. La chaîne Tim Hortons peut se démarquer, principale­ment par sa simplicité typiquemen­t canadienne. Épaulée par Cartesian Equity, tout porte à croire que l’entreprise tentera d’inviter les Chinois qui n’ont pas les moyens d’acheter un «frappuccin­o» de Starbucks chaque jour, mais qui veulent tout de même délaisser le thé, encore très populaire en Orient.

Le succès de Tim Hortons en Chine pourrait également profiter à d’autres. En Chine, on connaît le Canada surtout pour son canola, son blé, son boeuf, son sirop d’érable, bref, pour ses denrées agroalimen­taires. Au détail, aux yeux des consommate­urs chinois, il n’y a pas grand-chose. Un marketing aux accents canadiens pourrait améliorer l’image du Canada, qui se porte déjà très bien.

Au Canada, le marché du café n’a rien à voir avec celui de la Chine. D’abord, la consommati­on de café stagne depuis un certain temps. Les boissons énergisant­es semblent mieux répondre à un besoin pour une clientèle plus jeune.

Aussi, les Canadiens qui jadis préféraien­t boire leur café à l’extérieur du foyer se sédentaris­ent continuell­ement en préparant leur café à la maison. Le café demeure tout de même la boisson la plus populaire au pays. Plus de 71% des Canadiens boivent du café chaque jour, comparativ­ement à 67% des Canadiens qui boivent de l’eau du robinet. C’est l’héritage de Tim Hortons au Canada.

Mais pendant que les Canadiens de souche boivent leur café de plus en plus à la maison, la communauté chinoise au Canada désire davantage boire un café sur la route. Autrement dit, les Chinois enjoués de richesse s’aventurent à l’extérieur pour une bonne dose de caféine. Cette statistiqu­e réjouit sûrement les dirigeants de Tim Hortons qui la connaissen­t très bien.

En principe, Tim Hortons demeure une entreprise canadienne avec des ambitions typiquemen­t américaine­s. Il faut croître à tout prix. Les valeurs canadienne­s ancrées dans l’entreprise disparaiss­ent, mais il sera intéressan­t de voir si les dirigeants de Tim Hortons les utiliseron­t à leur avantage lors de l’expansion à l’étranger. ■

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