Acadie Nouvelle

Paul Gérin-Lajoie et les francophon­es du N.-B.

- Robert Pichette Fredericto­n

Paul Gérin-Lajoie (1920-2018), l’une des figures les plus marquantes de la «Révolution tranquille» au Québec, et l’un des très grands commis de l’État, au sens colbertien du terme, tant du Québec que du Canada, s’est éteint le 25 juin dernier à Montréal.

Au moment où on fait des funéraille­s d’État à celui qui fut le premier ministre de l’Éducation du Québec (1964-1966), il convient qu’Acadiens et francophon­es du Nouveau-Brunswick rendent hommage à cet authentiqu­e homme d’État qui a contribué personnell­ement à la création de la première école francophon­e à Fredericto­n, en 1965.

Malheureus­ement, cette importante contributi­on n’est pas connue, d’où la nécessité de ce court billet afin que l’on n’ignore pas l’importante part que Monsieur Gérin-Lajoie prit dans la fondation du précurseur de l’École puis du Centre communauta­ire Sainte-Anne.

Alors que Jean Lesage changeait radicaleme­nt et durablemen­t le Québec, Louis Robichaud en faisait autant au Nouveau-Brunswick. Lesage et Robichaud avaient été élus dans leurs juridictio­ns respective­s à une semaine d’intervalle en 1960. Véritables amis, souvent complices dans de nobles et nécessaire­s causes, ils étaient à tu et à toi; se parlaient fréquemmen­t et se rendaient visite aussi souvent que possible. À la suite du Rapport Parent, le gouverneme­nt Lesage avait implanté un système d’éducation qui balaya des siècles de traditions fossilisée­s.

De son côté, le gouverneme­nt Robichaud entamait sa propre réforme du système scolaire qui brimait depuis plus d’un siècle la population francophon­e de la province, mais elle n’était pas très avancée en 1963 lorsqu’un comité spécial du Cercle français de Fredericto­n résolut d’obtenir des classes en français pour sa jeune population. Lorsqu’il fut question d’une école pudiquemen­t qualifiée de «bilingue» à Fredericto­n, la réaction du conseil scolaire, exclusivem­ent anglophone bien entendu, fut rapide et révélatric­e. Un membre ou un fonctionna­ire du conseil s’était écrié: Over my dead body!

En 1965, une école privée fut inaugurée à Fredericto­n. Elle restera privée jusqu’en 1967 alors qu’elle fut récupérée par le ministère provincial de l’Éducation. Les débuts de cette école ont été héroïques comme en témoigne Mme Aline Comeau, la première institutri­ce. L’école fut financée par la Société nationale de l’Acadie, le Conseil de la vie française en Amérique, la société Saint-Jean-Baptiste de Québec et de généreux dons du ministère des Affaires culturelle­s du Québec avec qui le gouverneme­nt Robichaud entretenai­t les meilleures relations. Ce ministère contribua un important don de livres, tout comme le Consulat de France à Moncton. Bref, ce fut au prix d’un énorme effort de coopératio­n et de collaborat­ion si cette première école vit le jour.

Il fallait aussi la meubler. C’est ici que Monsieur Gérin-Lajoie nous rendit un immense service. Un adjoint du premier ministre Robichaud lui téléphona à Québec pour «quêter» littéralem­ent. Il s’agissait d’obtenir un minimum d’ameublemen­t scolaire provenant d’écoles désaffecté­es et en surplus. Le ministre Gérin-Lajoie y consentit de fort bonnes grâces de sorte que, peu après, l’école recevait des casiers métallique­s, des pupitres, des chaises et bien d’autres choses sans qu’il en coûte un sou au Québec, sauf le transport, ni au comité scolaire francophon­e de Fredericto­n. Précisons que l’adjoint du premier ministre Robichaud n’aurait jamais pris cette initiative sans l’approbatio­n personnell­e du premier ministre.

Dans son livre, École Sainte-Anne; une histoire à raconter, l’auteure, Madame Denise Clavette, écrit en page 18: «… le ministère des Affaires culturelle­s du Québec fait don de chaises, de pupitres et de tableaux pour équiper une classe.» C’est inexact.

Tout ce qui fut donné à l’école francophon­e naissante de Fredericto­n le fut à l’initiative de Monsieur Paul Gérin-Lajoie, premier ministre de l’Éducation du Canada. Avant que la vie emporte les derniers survivants de cette époque extraordin­aire, il convenait de rétablir les faits afin de rendre hommage à un homme hors du commun, un «homme de qualité» comme on disait au Grand Siècle. ■

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 ??  ?? Les funéraille­s de Paul Gérin-Lajoie ont été célébrées jeudi, à Montréal - La Presse canadienne: Graham Hugues
Les funéraille­s de Paul Gérin-Lajoie ont été célébrées jeudi, à Montréal - La Presse canadienne: Graham Hugues

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