Drapeau métis à Tracadie: un cas flagrant de «révisionnisme historique»
L’importance de faire flotter le drapeau métis au centre-ville de Tracadie a été remise en question par d’éminents historiens. Maintenant, un professeur de sociologie qualifie la situation de «révisionnisme historique».
L’Acadie Nouvelle a contacté Darryl Leroux, professeur de sociologie à l’université Saint-Mary’s en Nouvelle-Écosse, pour en savoir plus sur les origines des groupes de l’Est du pays qui revendiquent des origines métisses. Au fil des ans, ce révisionnisme historique est devenu l’un des champs d’expertise de cet universitaire originaire de Sudbury, en Ontario.
La situation à Tracadie est loin d’être isolée. Le nombre de personnes au NouveauBrunswick se déclarant Métis dans le recensement est passé de 950 en 1996 à 10 200 en 2016. En Nouvelle-Écosse, on parle de 23 315 personnes se déclarant Métis contre seulement 830 en 1996.
Il n’y a rien de mal à vouloir en savoir plus sur ses propres ancêtres, souligne M. Leroux. D’ailleurs, ses propres recherches généalogiques lui ont permis de découvrir qu’il avait des ancêtres algonquins et acadiens, mais il ne se considère pas pour autant comme étant un Autochtone.
Dans le cadre de ses recherches, M. Leroux a constaté que ce sont souvent d’importantes décisions juridiques qui précèdent la création de nouveaux groupes réclamant des droits Métis.
LE CAS DE JACKIE VAUTOUR
Le cas de Jackie Vautour est un bon exemple. Bien que sa lutte pour la reconnaissance de ses droits en tant que exproprié du parc Kouchibouguac avait été entamée bien avant, c’est seulement vers la fin des années 1990, que «l’éternel rebelle» a commencé à évoquer des origines métisses pour contester des accusations devant les tribunaux après que lui, son épouse Yvonne et leurs fils Roy et Ron aient été arrêtés pour avoir pêché illégalement des coques dans le parc national.
«Au départ, quand ils ont lancé leur cause, les Vautour ne se disaient pas Métis. Ils ont commencé à se déclarer Métis lorsque c’est devenu clair que les Mi’kmaq allaient obtenir une décision en leur faveur dans le cas de la décision Marshall à la fin des 1990.»
En septembre 1999, la Cour suprême du Canada a confirmé que Donald Marshall, un membre de la Première Nation de Membertou en Nouvelle-Écosse, avait bien le droit de pêcher et de vendre du poisson. La Cour a déterminé qu’en vertu de différents traités, les Mi’kmaq et les Malécites de l’est du pays jouissent encore du droit de mener des activités de chasse, de pêche et de cueillette de subsistance.
L’arrêt Powley a également entraîné un effet domino. Dans cette décision prise en 2003, la Cour suprême du Canada a déterminé que la collectivité métisse de la région de Sault-Sainte-Marie, en Ontario, avait des droits ancestraux de chasse dans le but de se nourrir. Par ricochet, la décision a établi des critères juridiques pouvant être utilisés pour déterminer les droits ancestraux d’autres groupes métis.
«Après l’arrêt Powley en 2003, les chiffres ont encore augmenté. C’est rendu au point où en 2016, plus de 23 000 personnes se disent Métis en Nouvelle-Écosse par rapport à 830 en 1996. Les changements ont eu lieu en une génération. Ce sont des personnes qui ne se considéraient pas du tout Métis en 1996.»
M. Leroux croit pourtant que la famille Vautour a de bonnes raisons d’affirmer qu’ils ont été victimes d’une injustice en tant qu’expropriés de Kouchibouguac.
«Mais le fait que quelqu’un soit opprimé ne fait pas d’eux des Autochtones. Les Acadiens n’ont pas toujours été bien traités. Les Acadiens et les Vautour ont plusieurs raisons de vouloir revendiquer certaines positions publiques. Je ne suis pas contre ces revendications, mais de dire qu’ils sont autochtones sans aucune preuve d’une communauté historique, c’est exagéré.»
RÉVISIONNISME HISTORIQUE
M. Leroux considère que plusieurs de ces groupes qui sont nés un peu partout au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse au fil des dernières années sont coupables de révisionnisme historique.
Dans certains cas, des ancêtres français ont été réinventés comme étant des Autochtones pour justifier leurs revendications, dit-il.
«On a des archives généalogiques plus complètes que dans quasiment toutes les autres régions du monde. On a beaucoup d’information sur ces personnes. Il y a longtemps que les Canadiens-français savent qu’ils ont un peu d’ascendance autochtone, mais on parle en moyenne d’environ 1%. C’est un très petit pourcentage.»
L’universitaire n’est pas convaincu par les arguments des «Néo-Métis» qui stipulent que leurs revendications émanent d’un long passé de marginalisation et de discrimination.
«Pourquoi les Premières Nations ellesmêmes ont été en mesure de commencer à revendiquer publiquement des droits à partir des années 1960, mais ces soi-disant Métis ne le pouvaient pas? Je suis d’accord que les Premières Nations sont toujours mal traitées, mais comment se fait-il que l’existence d’une population métisse distincte dans les provinces de l’Est n’ait jamais été évoquée? Pour moi, il y a quelque chose qui ne marche pas.» ■