Acadie Nouvelle

Verres (sic) de terre et astres du ciel

Privilégié de pouvoir faire du vélo dans la municipali­té régionale de Tracadie. L’autre jour, j’ai roulé dans l’arrièrepay­s. Avant, on disait les ‘back’ de Tracadie. Mais c’est ce qui devrait être mis de l’avant tellement c’est beau!

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Devant une petite maison, il y avait une pancarte. Au ras du sol. Avec des herbes folles qui grandissai­ent et qui menaçaient de cacher le message: verres de terre à vendre. J’ai souri. J’ai trouvé ça beau. Pour la première fois!

J’étais surpris de ma réaction. Pendant longtemps, j’aurais serré les dents en voyant une telle pancarte. J’aurais été déçu qu’on ne fasse pas d’effort pour bien écrire. J’aurais été gêné face aux touristes qui allaient constater la piètre qualité du français cheznous. Ce matin là, il y avait une forme d’admiration que j’éprouvais face à cette langue. Ce que je méprisais il n’y a pas si longtemps, voilà que je l’admirais. Comme si la grâce venait de me frapper!

J’ai pensé que cette maison, elle aurait pu être celle de mes grands-parents. C’est ainsi qu’ils parlaient. Surtout qu’ils écrivaient! Avec la langue du terroir. La langue des gens qui n’ont pas eu ce privilège d’aller à l’école. Ou de ceux qui ont terminé en «grade quatre» parce qu’ils devaient abandonner pour aller travailler aux champs ou sur la mer. C’est la langue dont parle plusieurs des enfants de ces familles trop nombreuses pour pouvoir instruire chacun.

C’est une langue écorchée. Une langue de survivants face aux Anglais qui ne marchandai­ent que dans leur langue à eux. C’est une langue de misère et de travail. Elle a l’odeur de la sueur et le parfum de la dignité. C’est la langue de mes grandspare­nts. De mes arrière-grands-parents. Ils sont fiers de l’avoir gardé et de me l’avoir transmis.

Ce qu’ils me demandent, c’est d’en prendre soin et de l’embellir. Ils ont quitté l’école pour que leur descendanc­e s’instruise. Il ne faudrait pas les décevoir en la malmenant. Parce que le français de cette pancarte n’a plus le même éclat lorsqu’il est utilisé ainsi dans les publicatio­ns gouverneme­ntales

Suffisamme­nt regardé vers le bas. Août, c’est aussi pour lever les yeux vers le firmament. C’est le mois des perséides! Comme les vers sortent de terre lorsqu’il pleut, les étoiles sortent du ciel lorsqu’il fait beau.

En haut aussi il y a des choses qui sont écrites. Mais on ne peut pas les lire. On peut seulement les contempler. Là-haut, pas d’erreur: la langue est impeccable. Ce n’est pas celui qui écrit qui a de la misère. Ni le langage qu’il utilise. La difficulté est du côté du récepteur.

Les étoiles nous parlent. Depuis la nuit des temps, l’humanité se tourne vers elles pour apprendre à vivre et pour prédire l’avenir. Certains se fient sur elles pour se guider dans la nuit. D’autres les consultent pour prévoir le temps qu’il fera demain. D’autres encore croient qu’elles ont le pouvoir d’influencer les humeurs.

Les étoiles fascinent. Il est normal que les croyants aient utilisé ce symbole stellaire pour évoquer des réalités mystérieus­es. Pour parler de l’immortalit­é des âmes, on dira que les maîtres de justice et les artisans de paix resplendir­ont comme les étoiles pour toujours (Dn 3). Les mages ont suivi une étoile. Le Christ ressuscité est présenté comme l’astre du matin. Au firmament de la sainteté, il y a une étoile plus brillante que les autres.

Chacun a son étoile. Et chacun est invité à devenir une étoile pour guider les autres. Dans les ténèbres, les étoiles sont belles et essentiell­es. Regarde le ciel. Compte les étoiles si tu le peux. Tu peux relier leurs pointes. Tu verras qu’elles sont remplies de promesses.

Nos ancêtres ont avancé grâce à l’étoile qui les guidait. Celle de la mer. Celles aussi qui sortent de nos terres labourées par le travail, l’entraide, l’amour. Dire que cette foi était celle d’une autre époque ou de gens superstiti­eux, ça aussi c’est du mépris.

La langue. La foi. C’était les deux piliers de l’Acadie. Pour moi, ça n’a pas changé. Ça se conjugue différemme­nt aujourd’hui. C’est un héritage que nous avons reçu. À nous de l’embellir pour le transmettr­e aux âges qui viendront.

Bonne fête nationale! ■

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Août, c’est le mois des Perséides. - Archives
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scomo@nbnet.nb.ca

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