DANS LE FIEF DE L’ALLIANCE DES GENS
NDLR: L’Acadie Nouvelle poursuit sa série de portraits de circonscriptions en vue des élections du 24 septembre. Le journaliste et chroniqueur Pascal Raiche-Nogue vous emmène sur le terrain afin de vous faire découvrir quelques courses à surveiller.
Vingt-six votes. C’est tout ce qui a séparé le chef de l’Alliance des gens d’une victoire historique dans Fredericton-Grand Lake en 2014. Kris Austin revient à la charge en espérant détrôner la progressiste-conservatrice Pam Lynch.
Kris Austin nous accueille dans son quartier général de campagne, situé dans un ancien commerce sur la rive nord de la capitale. Les lieux sont spacieux et quelque peu dénudés.
Des cartes de la circonscription sont affichées sur les murs, des objets promotionnels mauves – la couleur du parti, que l’on obtient en combinant le bleu et le rouge – sont visibles çà et là.
D’entrée de jeu, nous mettons cartes sur table. Notre entrevue ne portera pas principalement sur son pain et son beurre à l’échelle provinciale, soit les enjeux linguistiques.
L’objectif est plutôt de parler de la course sur le terrain, dans Fredericton Grand-Lake – dont on sait bien peu de choses dans les régions francophones – où Kris Austin a des chances de faire une percée lundi.
«Merci», dit-il sans détour, sans doute conscient que les médias francophones ne sont généralement pas tendres envers l’Alliance, un parti qui attaque régulièrement les acquis et les droits de la minorité francophone.
Sa défaite de 2014, Kris Austin ne l’a pas oubliée. À l’époque, quatre ans après avoir lancé son parti politique et s’être présenté une première fois sans succès, il était passé à un cheveu de l’emporter.
«Je pense qu’un petit pourcentage de nos partisans croyaient que c’était dans le sac et étaient trop confiants. Cette fois, je pense qu’ils sont plus conscients qu’il n’y a pas de garanties, qu’il faut sortir voter.»
Le porte-à-porte est le nerf de la guerre pour ce leader populiste de droite.
«On se concentre davantage à faire sortir le vote. Identifier les votes lorsque l’on fait du porte-à-porte, s’assurer que les gens réalisent combien c’était serré la dernière fois. Et leur faire comprendre que s’ils restent à la maison en pensant que je vais gagner, ça ne va pas me faire gagner», explique-t-il.
La candidate progressiste-conservatrice et députée sortante, Pam Lynch, compte pas se laisser marcher dessus. Depuis plusieurs semaines, elle mène une campagne de tous les instants, tellement qu’elle a eu du mal à trouver le temps de nous parler pendant quelques minutes.
En entrevue téléphonique cette députée élue pour la première fois en 2010 dans Fredericton-Fort Nashwaak, explique qu’elle faisait face à un défi de taille en 2014. Elle s’était alors présentée dans Fredericton-Grand Lake après un redécoupage de la carte électorale.
«Les limites de ma circonscription avaient changé et je n’étais pas connue dans la région. À Minto et à Chipman, les gens ne savaient pas qui j’étais. Et je suis sûr qu’ils pensaient que parce que je demeure à Fredericton, qu’ils ne me verraient plus. Mais je pense que je leur ai montré que non. Je suis là (dans la circonscription) plus souvent qu’à la maison.»
À l’instar de Kris Austin, elle se souvient encore très bien de sa victoire à l’arraché, il y a quatre ans. Cela la pousse à redoubler d’efforts sur le terrain ces jours-ci.
«Je cogne aux portes jour et nuit. Il faut mériter les votes. Et pour moi, c’est le porteà-porte qui est la clé du succès», dit-elle.
Mais comment s’y prend-elle pour contrer le message populiste de Kris Austin. Un message qui semble faire mouche, si l’on se fie aux sondages. Selon le coup de sonde Léger/ Acadie Nouvelle, l’Alliance est appuyée par 26% des électeurs dans la région de la capitale.
«Mon message pour contrer le sien, c’est que je connais Kris Austin et que c’est une personne très gentille, mais qu’un vote pour Kris Austin divise le vote et pourrait nous donner quatre ans de plus avec Brian Gallant. Et cela n’est certainement pas quelque chose dont nous avons besoin», dit Pam Lynch.
Elle ajoute qu’elle n’hésite pas à parler aux électeurs des «candidats radicaux» de l’Alliance, dont certains dérapages racistes, antisémites et francophobes ont retenu l’attention il y a quelques semaines.
La candidate progressiste-conservatrice explique aussi qu’elle rappelle aux gens que si Kris Austin est élu, il ne siègera pas au cabinet et sera relégué aux lignes de côté.
«Je pense qu’il serait probablement le seul à remporter un siège (pour l’Alliance). Et s’il remporte mon siège, notre communauté va souffrir grandement. Elle n’aura pas de voix à la table, rien ne sera fait. Nous serons ignorés et ce sera très triste pour la communauté.» ■