Bilinguisme et langues officielles? Rien à dire!
Alain Otis Dieppe
La campagne électorale ne soulève pas l’enthousiasme, si j’en crois les commentateurs. Aucun sujet ne semble enflammer les esprits, aucun débat ne semble susciter de véritable intérêt, aucun candidat, aucune candidate ne sort vraiment du lot. Il serait plus intéressant de regarder mûrir les pommes! En même temps, on nous dit que les gens ne vont pas voter, que la participation ne fait que baisser élection après élection. Vous savez pourquoi?
Pour l’électorat de langue française, la situation est d’autant plus triste. Récemment, Marie-Claude Rioux se demandait qui parle au nom des francophones («Une question de gros bon sens» dans L’Étoile) et avouait ne pas avoir de réponse satisfaisante à donner. Le gouvernement de Brian Gallant a été moins que convaincant dans ce dossier au cours de son mandat, même s’il comptait sur l’appui massif des francophones. Faire mention des autres partis sur ce sujet est superflu, leurs positions étant très timides, sinon insignifiantes, quand elles ne sont pas carrément hostiles.
Sur la question du bilinguisme et des langues officielles, le débat «en français» a été la goutte qui a fait déborder le vase du ridicule. Des chefs à qui la question est posée et qui répondent de manière évasive, sans enthousiasme, c’est ce qu’on a eu. Les chefs qui ont été plus précis avaient à répondre que le bilinguisme et les langues officielles coûtent cher, que la dualité dans les écoles et les autobus scolaires devrait être abolie afin que les élèves francophones et anglophones puissent s’apprendre les uns les autres leur langue dans les autobus et la cour d’école.
Après 50 ans de bilinguisme officiel, on pourrait espérer quelque chose de plus brillant. En fait, c’est qu’on voudrait l’abolition du français dans la sphère publique au Nouveau-Brunswick, n’est-ce pas? Même si cette idée farfelue a peu de chances de se réaliser, le fait qu’elle soit exprimée directement, en plein débats des chefs, a quelque chose de dérangeant.
Si un chef – plusieurs, pourquoi pas – avait fait preuve d’un peu de leadership, il aurait pu dire facilement: «Mon collègue se moque d’une partie importante de l’électorat. Il est inacceptable qu’un enjeu de cette importance soit ainsi tourné en ridicule dans une occasion comme un débat des chefs. Sommes-nous à un débat des chefs ou bien à un débat des clowns?» A-t-on entendu quelque chose qui allait dans ce sens?
De toute évidence, l’enjeu des langues officielles et du bilinguisme au NouveauBrunswick est une «patate chaude». Personne ne veut s’emparer du dossier et en traiter avec le sérieux nécessaire. Toutefois, ce manque de volonté peut donner l’idée à l’électorat que les partis politiques qui les courtisent, s’ils ne manifestent pas plus de leadership dans un domaine aussi important pour notre province, ne sauront sûrement pas se montrer plus brillants dans des dossiers tout aussi importants et urgents comme les finances publiques et les changements climatiques, pour ne nommer que ceux-là.